English Electric ʺCanberra" B6 |
© Jacques Moulin 2012.
Devant la réussite des premiers chasseurs à réaction, notamment les Gloster Meteor, le ministère de l'Air britannique émet, dès 1944, une spécification pour l’étude d’un bombardier à grande vitesse et haute altitude. L’appareil demandé devait voler sans armement et être propulsé par de nouveaux réacteurs de plus en plus puissants.
C’est à la compagnie English Electric que fut confiée cette étude. Cela finira par déboucher sur un appareil très réussi : l’English Electric ʺCanberraʺ, avec ses deux réacteurs placés dans les ailes à la façon du Gloster Meteor. Cet appareil fut incontestablement une réussite dans son créneau, celui des bombardiers tactiques.
Le Canberra 763 dans les réserves du MAE (Photo Sébastien Bocé via Pyperpote).
Cette position des propulseurs avait l’avantage de libérer le fuselage pour la soute à bombes et pour les réservoirs de carburant, cela facilitait aussi le centrage de l’appareil. De plus, cela a l’avantage, compte tenu de la faible puissance des réacteurs de l’époque et de l’évolution rapide de ces moteurs, de permettre une évolution par changement des propulseurs qui, cela paraissait alors évident, ne manqueraient pas d’être améliorés. En plus deux moteurs augmentent la fiabilité de l’avion.
La première version (B.2) sera équipée de réacteurs Rolls-Royce ʺAvon RA3ʺ.
Le premier vol du prototype eu lieu le 13 mai 1949. Equipé d’un nez vitré permettant la visé pour le bombardement car, évidemment, l’utilisation de systèmes de visée classiques obligent à l’utilisation d’un troisième membre d’équipage. C’est la première version qui, étrangement, sera désignée B2 et sera mise en service dès 1951.
Un Canberra anglais lors du IAT (*) de 1985 (Photo Jacques Moulin).
La version suivante directement dérivée du prototype et destinée à la reconnaissance est désignée PR.3, puis une version d’entrainement T.4 suivra.
Le développement prévu des réacteurs conduit à la mise au point du réacteur Rolls-Royce « Avon RA 7 » type 109 qui permettra de remplacer les premières versions des réacteurs Rolls-Royce « Avon RA 3 ». Rapidement ces nouveaux moteurs plus puissant équiperont les versions B.6 et PR.7 qui remplaceront sur les chaînes les B.2 et PR.3 qui continueront à voler.
Un Canberra XH168 monoplace photographié lors du IAT (*) de 1989 .(Photo Jacques Moulin).
Un Canberra utilisé par un centre d'essai britannique vu à l'IAT de 1985 .(Photo Jacques Moulin).
Les versions B-6 seront équipées de sièges éjectables Martin Baker de différentes versions. Il semble que les appareils en service aient été équipés au début de leur carrière de sièges type Mk-1C.
Le Canberra était le premier avion de bombardement léger vraiment réussi. Il était doté d’excellentes performances. Rapidement le Canberra décrochera de nombreux contrats à l'export. De plus, sa conception modulaire facilite le développement de versions spécifiques. Au total, 27 versions différentes du Canberra seront développées, que ce soit pour la Royal Air Force ou pour la quinzaine de pays qui se sont portés acquéreurs de ces bombardiers.
Un des principaux acheteurs du Canberra fut l'Inde, qui commanda 108 exemplaires de 6 versions différentes à la fin des années 1950 et qui rachètera, d'occasion, une dizaine de Canberra à la Nouvelle-Zélande en 1970.
Mais un nouveau marché apparaîtra rapidement car, après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, qui ont mis la priorité sur le développement de nouveaux bombardiers stratégiques, se rendront compte lorsque la guerre de Corée éclate en juin 1950, que leurs bombardiers moyens encore en service (A/B 26 « Invader » principalement) sont dépassés et doivent être remplacés de toute urgence. Ce sera le Canberra qui sera choisi sous la désignation de B-57 et fabriqué sous licence aux USA.
Le premier Canberra fabriqué aux États-Unis par General Dynamics sort d'usine le 20 juillet 1953. Il est basé sur le Canberra B.2, mais est équipé de réacteurs Armstrong-Siddeley « Saphire » également construits sous licence et offrant 10 % de puissance supplémentaire par rapport au Rolls-Royce ʺAvon RA3ʺ.
Un autre Canberra anglais au IAT (*) de 1989 (Photo Jacques Moulin).
(*) IAT = International Air Tatoo, grande manifestation de présentation aérienne qui a lieu en Angleterre.
Versions construites :
Avion construits en Grande Bretagne :
B.2 : version initiale avec 3 membres d'équipage (416 exemplaires)
PR.3 : version de reconnaissance biplace, avec fuselage allongé et 7 caméras (35 exemplaires)
T.4 : version d'entraînement à doubles commandes (66 exemplaires)
B.6 : réacteurs Avon 109 plus puissants (97 exemplaires)
B(I).6 : version capable de missions d'attaque au sol (22 exemplaires)
PR.7 : version de reconnaissance du B.6 (74 exemplaires)
B(I).8 : version spécialisée pour l'attaque au sol (82 exemplaires)
PR.9 : version de reconnaissance à haute altitude (23 exemplaires)
U.10 : drones pour l'entraînement au tir réel (17 exemplaires)
T.11 : version d'entraînement à l'utilisation d'un radar (9 avions modifiés)
B.15/16 : version d’attaque équipée de roquettes (57 avions modifiés)
T.17 : version de guerre électronique (22 exemplaires)
TT.18 : version de remorquage de cibles (23 avions modifiés)
T.22 : version d'entraînement à l'utilisation d'un radar (7 exemplaires)
Un Martin B 57 de l’USAF (Archives Thierry Matra).
Avions construits aux USA :
Martin B-57 Canberra B-57A : version de présérie (8 exemplaires)
RB-57A : version de reconnaissance (67 exemplaires)
B-57B : premier bombardier de série (202 exemplaires plus 12 B-57E modifiés)
B-57C : version d'entraînement à doubles commandes (38 exemplaires)
RB-57D : version de reconnaissance à haute altitude (20 exemplaires)
B-57E : version de remorquage de cibles (68 exemplaires)
EB-57E : version de guerre électronique (B-57E modifiés)
RB-57F : version de reconnaissance à haute altitude (19 avions reconstruits à partir de B-57A, B et D)
WB-57F : version de reconnaissance météorologique. Seul deux WB-47 sont encore en service ; la NASA les utilise pour surveiller les phases de lancement et d'entrée dans l'atmosphère de la navette spatiale américaine.
B-57G : version d'attaque nocturne (16 avions modifiés).
La production totale est d'environ 1.030 English Electric Canberra et 400 Martin B-57 Canberra.
Un Canberra B (1) 68 aux couleurs de l’aéronautique du Pérou. (DR)
Un Canberra du CEV, non identifié, photographié dans un hangar de Colomb-Béchar en 1956.
Cet appareil servait de transport rapide de matériel et de documents entre la métropole
et les centres d’essais du Sahara (CIEES) (Photo Liberto Gil).
Utilisation par la France
La France n’utilisa pas de bombardier Canberra mais uniquement six appareil type B-6, utilisé par le CEV. Cette utilisation dura pendant vingt ans, de 1954 à 1974, principalement pour des essais ou des liaisons rapides au profit du CEV ou des centres d’essais divers situé en France ou au Sahara.
Ces six appareils étaient des Canberra B6 reçus à partir de 1954:
- 3 appareils ex RAF (WJ763, WJ779, WJ784)
- 3 appareils neufs (304, 316, 318)
Les derniers de ces appareils seront retirés du service en 1974.
A noter aussi qu’un septième exemplaire B-6 anglais le WM967 a servi en détachement à Cazaux pour les essais de missiles AS-30 et AS-37 mais cet appareil n'a jamais été pris en compte par les Français.
A noter aussi que le Canberra WJ-779, qui avait été accidenté, a été remis en état et la photo montre qu’il a une allure étrange. En effet, lors de sa remise en état, comme il y avait un nez Canberra monoplace de disponible, les Français ont réalisé la "greffe" à Brétigny. Voilà pourquoi cet avion, malgré ses apparences d’avion monoplace, était bel et bien un B6, tout comme ses cinq congénères.
Les appareils français, ont très probablement été très souvent améliorés ou modifiés au cours de leurs vies, et l’appareil conservé le prouve.
Le Canberra B-6 WJ779 avec son nez monoplace monté par le CEV (Archives Philippe Ricco).
Deux appareils furent utilisés pour des essais moteurs auprès de la SNCAN et de la CGTM. Pour ces essais la SNCAN avait installé sur les Canberra un système hydraulique permettant de rentrer et de sortir le moteur à essayer dans la soute à bombe. Un dispositif par boulons pyrotechniques assurant le largage du moteur dans le cas de non fonctionnement du dispositif (en effet l’avion ne peut pas se poser avec le moteur à essayer sorti).
Le même 779 vu lors d’une journée portes ouvertes. (Photo Michel Cristescu).
Une autre photo du F779 du CEV de Bretigny au Bourget en 1968. (Photo collection Marcel Fluet)
Le 304 sur la fosse qui permettait le travail sur les moteurs montés sur le système de rétractation
(Photo collection Ph. Ricco).
Le n° 304 F-ZLAL qui servit aux essais du Gabizo (avec PC) du 1er août 1956 au 25 mars 1958 avec la SNCAN puis aux essais de l’Aubisque (**) du 5 août 1962 au 10 novembre 1966 avec la CGTM, avait été livré au CEV le 08 août 1955. C’était un appareil neuf. Il fit son dernier vol à Brétigny le 26 juillet 1972 après 1.133 h 10 de vol.
Le n° 764 F-ZLAK fut utilisé pour les essais des réacteurs Gabizo du 22 décembre 1955 au 27 juillet 1956 avec la SNCAN, puis aux essais du Gabizo (à sec) (*) du 24 octobre 1959 au 2 mai 1958 pour la CGTM, il avait été le 14 janvier 1955. C’était un appareil ex-RAF. Il fit son dernier vol à Brétigny le 26 décembre 1974 après 1.658 h 35 de vol.
Un appareil est conservé dans les réserves du Musée de l’Air et de l’Espace (MAE), il s’agit de l’English Electric Canberra B.6 n° 71310 F-ZLAM - WJ-763. Cet appareil a été repeint par le Musée en novembre/décembre 1987.
Le réacteur Aubisque monté sur le système de rétractation, vue du réacteur sorti dans la fosse (photo origine C. Faure).
Le 784 à Marignane (Archives Ph Ricco).
(*) Le réacteur Gabizoétait un moteur à réaction construit par Turbomeca, de 1.000 kg de poussée à sec et 1.500 kg avec PC.
(**) Le réacteur Aubisque était un moteur à réaction construit par Turbomeca, de 745 kgp (désignés RM9 par la Suède qui l’utilisa sur le SAAB 105).
Le Canberra 316 au CEV avec un nez radar spécial monté pour essais.(Archives Philippe Ricco).
Le WJ763 du MAE (Archives Pyperpote).
Autre vue du Canberra 316 avec un autre nez (Archives Philippe Ricco).
Caractéristiques English Electric Canberra B6.
(Peuvent être en partie fausses je n'ai pas trouvé de source incontestables sur le sujet. Merci de compléter, si vous pouvez, avec des indications vérifiés)
Constructeur : English Electric
Équipage : 2
Missions : bombardier
Date du premier vol :
Siege éjectable : Martin Baker Mk 1C
Dimensions
Envergure : 19,51 m
Longueur : 19,96 m
Hauteur : 4,77 m
Surface alaire : 89 m²
Charge allaire :
Masse
Masse à vide : 9820 kg
Masse avec armement : 21000 kg
Masse totale en charge : 25000 kg
Performances :
Vitesse maxi : 933 km/h (mach 0,88)
Vitesse de croisière :
Vitesse ascensionnelle : 1020 m/mn
Autonomie :
Plafond : 15000 m
Distance franchissable :
Altitude de croisière :
Rayon d’action : 1300 km
Armement :
Fixe :
Externe :
Communication radio :
Moteur
Marque : Rolls Royce
Nombre : 2
Type : Avon RA-7 Mk 109
Configuration : réacteur axial à chambre multiple
Refroidissement :
Suralimentation :
Puissance normale au sol : 3670 kg/p
Puissance à :
Puissance au décollage :
Réacteur "AVON"
Siege éjectable
© Jacques Moulin 2012.
Remerciements à Philippe Ricco, Jean Luc « Pyperpote », Jean Schreiber et Ch.Faure.
(*) IAT = International Air Tatoo, grande manifestation de présentation aérienne qui a lieu annuellement en Angleterre.