Qui se souvient des pilotes appelés de l’ALAT en ALGERIE ?
(C) 2011 Jean-Pierre MEYER (ancien pilote CPAP) .
Le L19C appelé « Bird Dog » avion idéal pour les reconnaissances à vue, l’accompagnement et la protection des convois de même que le balisage de tir pour la chasse et le bombardement.
La base 121 d’Essey les Nancy avec en premier plan le quartier Kléber et de l’autre côté de la piste les bâtiments de l’Ecole de Pilotage CPAP.
En général, les pilotes appelés de l’ALAT avaient presque tous une expérience de vol en Aéro-Club que ce soit en vol à moteur ou en vol à voile. Ensuite, il ‘’suffisait’’ d’être sélectionné et de suivre les classes puis le peloton de sous officiers au CISALAT (Centre d’Instruction et de Spécialisation de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre) qui était installé à Essey les Nancy sur la base 121 de l’Armée de l’Air.
Etre accepté pour suivre le stage pilote nécessitait au préalable d’être apte médicalement en passant un examen poussé au CEMPN (Centre d’Expertise Médicale du Personnel Naviguant) et de réussir les tests psychomoteurs et psychotechniques.
A l’époque de la guerre d’Algérie la durée du service militaire pour les appelés étaient bien au dessus de la durée légale des 18 mois, et la durée du stage pilote qui était d’environ 6 mois ne suffisait pas pour certains à s’adapter à la méthode française de pilotage selon ‘’St Yan’’ et les taux d’échecs étaient assez impressionnants selon les promotions.
Il faut aussi dire qu’il n’y avait pas que les tests en vol mais aussi les épreuves théoriques qui étaient toutes aussi sévères (mécanique de vol, météo, aérodynamique, navigation, mécanique avion, radio, survie etc…) et au final on comptait parfois dans l’effectif, plus d’un tiers de rejets sinon plus.
Nos instructeurs ne laissaient rien passer et si parfois on aurait aimé les envoyer au diable, plus tard on se rendait compte que dans des situations critiques leur coup de gueule remettait les pendules à l’heure.
Notre formation se faisait sur Piper L18C, avec du perfectionnement sur Stampe et enfin un stage de Vol à Voile pour nous familiariser avec les courants ascendants et surtout rabattants ce qui m’a d’ailleurs valu un atterrissage forcé en campagne.
Au terme du stage ( 6 promotions par an) on recevait notre diplôme CPAP (Certificat Provisoire d’Aptitude au Pilotage ) terme sans doute trouvé par un énarque et qui m’a toujours fait sourire quand on pense que certains d’entre nous, après leur service militaire sont partis comme pilote de brousse ou de ligne et totalisaient plus de 15 000 heures de vol en fin de carrière. Mon certificat portait le N° 542 .
Avec les 8 autres rescapés de ma promotion nous nous sommes trouvés sans attendre mutés en Algérie car on parlait d’un manque d’effectif des pilotes engagés qui étaient formés à Dax.
Dax formait non seulement les pilotes d’avions mais aussi d’hélicoptères ainsi que les Officiers Observateurs.
Photo EJ 10- Dîner de fin de stage avec le Cpt Chauvin Chef de stage et les instructeurs. Dans 1 semaine ce sera le départ pour l’AFN.
Au début de leur présence aux 4 coins de l’Algérie les pilotes appelés que l’on appelait ‘’CPAP’’ se voyaient confier principalement des missions de liaison, et de largage de courriers toujours apprécié par les troupes au sol dans des postes souvent isolés sur des pitons difficilement accessibles par la route.
Il y avait aussi les réglages de tir des batteries de canon ou de mortier par-dessus les montagnes et un tas d’autres missions comme effectuer des relais radios et des évacuations sanitaires .
Toutes ces missions se faisaient principalement en PIPER L18C .
Photo EJ 12- L’auteur à gauche sur le pont du "Ville de Tunis" .Destination, Bône les Salines puis Constantine, puis la base d’Aïn Arnat près de Sétif .
Dans tous les PMAH (Peloton Mixte Avions Hélicoptères) cet avion était la bête de somme. Increvable et pardonnant beaucoup, son pilotage demandait néanmoins une certaine maîtrise en condition de vol en montagne car sa puissance contre les vents forts était souvent limite. Parfois il fallait se poser sur des pistes de fortune d’une centaine de mètres de long qu’il fallait faire déminer au préalable par un half-track équipé d’un hérisson et l’atterrissage ressemblait plus à un appontage.
Avec le recul du temps on pouvait d’ailleurs se demander comment les autorités militaires pouvaient envoyer des jeunes avec à peine une centaine d’heures de vol dans des endroits aussi mal pavés et bien souvent avec une météo exécrable .
Mais finalement on s’y faisait vite et quand on a vingt ans ou moins, les poussées d’adrénaline devenaient notre quotidien et on aimait ça !
Pour ma part j’ai eu la chance d’être affecté au PMAH de la 19ième DI à Sétif Aïn Arnat et qui avait également un détachement à Bougie.
Ce PMAH avait une excellente réputation car d’une part il était commandé par le Cpt de Simard de Pitray , officier rigoureux dans le commandement et d’autre part on y testait différents systèmes d’arme comme la première Alouette II équipée d’une mitrailleuse AA52 avec un collimateur de T6.
Premières missions : Le largage de courrier sur les pitons isolés en L18C.
On avait aussi équipé le L19E avec des pods contenant des roquettes explosives mais la surcharge rendait l’avion moins maniable si bien que seules les roquettes fumigènes furent maintenues .Il faut aussi savoir que si Sétif qui était la plus grande base ALAT en Algérie elle était aussi la plus haute ……d’Afrique car située à 1000 m d’altitude.
Autre décor, notre secteur partait de la vallée de la Soummam à l’ouest, la mer Méditerranée au nord , St Arnaud à l’est avec des reliefs et végétations variables et des points culminants à plus de 2000 mètres alors qu’au sud se trouvait sans transition un immense plateau semi désertique. Cela s’appelait la Petite Kabylie avec ses vallées profondes et inhospitalières comme les gorges de Kerrata ou les Portes de Fer tristement réputées car les accrochages avec les rebelles y étaient très fréquents et violents.
Photo EJ 42- enfin OP’s sur L19E
Après 3 mois de L18C mon Chef de Peloton, m’informa que je serais bientôt ‘’lâché’’ sur Cessna L19E et qu’il se chargera de ma qualification.
Cet avion baptisé ‘‘Bird Dog‘’ par les américains était si bon qu’il fut encore largement utilisé pendant la guerre du Vietnam.
Pour nous, ‘’appelés CPAP’’ c’était la consécration car au départ seuls les pilotes engagés volaient dès leur affectation sur cet avion que certains appelaient, la Cadillac de l’air.
Il paraîtrait même qu’une circulaire mentionnait que cette dérogation pour les pilotes CPAP était sous l’entière responsabilité du Chef de Peloton du fait que statistiquement parlé les pilotes CPAP avaient la réputation de casser plus de matériel que les engagés.
Les missions n’étaient plus les mêmes et en plus je venais de gagner mes galons de Maréchal des logis.
Photo EJ 18 – Préparation des opérations dans la salle Op’s. Au centre le Cpt de PITRAY commandant le PMAH de la 19ième DI.
C’est ainsi que se succédèrent les missions d’accompagnement ou de protection de convoi. En place arrière nous avions un Officier Observateur ALAT qui restait en liaison permanente avec l’Etat Major Divisionnaire (EMD) qui en cas d’accrochage, désignait les objectifs et décidait le déclanchement d’une opération pouvant également nécessiter l’appui des DIH (Division d’Intervention Héliportée) avec ses commandos et ou l’appui aérien avec une patrouille de chasseurs. (T6/T28/ Skyraiders et parfois même des bombardiers B26 équipés de ‘bidons spéciaux )
Il y avait aussi et surtout les (RAV) Reconnaissances à Vue, déclenchées par l’ EMD dans des zones de proximités ou hors zones d’opération en général exécutés avec l’appui d’une patrouille de chasse et toute la coordination entre les troupes au sol et le guidage aérien étaient sous la responsabilité de l’Officier Observateur de l’ALAT ce qui n’était pas toujours du goût de nos amis de l’Armée de l’Air.
Une fois les objectifs définis notre travail consistait à baliser la cible avec les roquettes fumigènes ce qui impliquait d’être en piqué puis en rase-mottes le plus près possible de l’objectif nous exposant ainsi aux tirs des armes automatiques des rebelles. Derrière nous, à peine dégagé de l’axe de tir, la chasse plongeait déjà et tirait des rafales de mitrailleuses ou de roquettes sur la cible marquée par nos fumigènes.
Notre audace était reconnue et bien souvent forçait l’admiration des troupes au sol et des pilotes de l’Armée de l’Air et dans le tourbillon des opérations il n’y avait plus de différence entre les pilotes engagés et les appelés.
Plusieurs équipages ont été blessés ou ont payé de leur vie dans cette guerre où l’ALAT avait définitivement conquis ses lettres de noblesse.
(C) 2011 Jean-Pierre MEYER (ancien pilote CPAP) .