Sikorsky S.58/H 34 armé "Pirate" |
© Jacques Moulin 2008 revu en 2011.
Détail du montage du canon sur affut marine du 20 mm MG 151/20 vue de gauche.
Notez sur le fuselage le texte "appareil capable pirate " (Photo Chauduc).
Rapidement, l'utilisation des hélicoptères comme appareils de transport de troupe entraîna le commandement à regarder les possibilités d'armements de ces appareils. Même si des essais furent réalisés sur presque tous les types d’hélicoptères présents en AFN, seul le Sikorsky H-34 était assez puissant et avait une possibilité d'emport d'armement suffisante pour être transformé en appareil d'attaque et d'appui. Une version armée fut donc rapidement étudiée par différentes unités utilisatrices, et de nombreux essais furent réalisés avant de trouver un armement pas trop lourd, pas trop encombrant, mais permettant quand même à l'appareil une puissance de feu intéressante.
Les essais d'armements divers sur le H 34 s/n 58002 du EH 2
modifié par le colonel Brunet ("Felix") à Oran (Photo origine inconue)
L'initiateur de l'armement de cette voilure tournante est le colonel pilote Félix Brunet avec son officier mécano, le capitaine Martin (alias ''Crassous leader''); le premier tireur qui expérimenta les différentes armes embarquées est le sergent commando parachutiste de l'air Guy Potel. Ces figures de l'Armée de l'Air travaillèrent en étroite collaboration avec l'Aéronavale et notamment les mécanos et armuriers de l'arsenal de Mers el Kébir. Mais la tactique de l'assaut héliporté relève de la volonté d'un seul: Le Col. Brunet était surnommé par ses hommes ''Félix''.
Montage du canon avec bouclier de protection sur un H 34 "Pirate" (Photo Gajac).
Un H-34 "Pirate" en vol, la porte est ouverte le canon est en place mais il manque la mitrailleuse de 12,7 mm qui était montée sur la fenêtre arrière qui est caché par la porte, la porte était enlevée quand cette arme était montée (Photo Gajac).
Divers essais furent prévus, avec du matériel disponible les mitrailleuses de 30, de 50 (armes bien connues de tous les anciens) ou, parfois avec des MG 151 de diamètre 15,1 m/m (arme d'origine allemande) mais cela est très douteux. Mais un canon était disponible le MG 151 de 20 m/m qui était directement dérivé de la mitrailleuse. Ce canon était en fait celui qui équipait les avions allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale, notamment les Messerschmitt Bf 109.
Les résultats des essais ne furent pas tous satisfaisants. Pour ce qui concerne les armes "opérationnelles" sur H-34, les armes axiales alourdissaient trop la machine, c'est pour cela qu'elles furent rapidement abandonnées.
Le premier affût canon conçu à l'EH-2 était constitué par un châssis tubulaire qui ne comportait pas de dispositif d'amortissement. Il fut rapidement remplacé par l'affût "Marine", affût développé par les marins pour un montage sur leur version du H-34 : le Sikorsky HSS. Cet affût était doté d'une plaque d'inertie et d'un système de frein de recul.
La configuration initiale comportait le canon à la porte-cargo et une mitrailleuse de 50/100 de pouces (12,7 mm) en sabord arrière droit. Ensuite, pour permettre le feu lors des reprises d'axe à l'issue des orbites à droite, on a ajouté une puis deux 50 en sabords à gauche.
Marcel Gajarc devant un H 34 Pirate. Les photos de ce côté d’un « Pirate » sont rares, vous pouvez voir les deux 12,7 en sabord. (Photo origine Marcel Gajac).
H-34 armée "Pirate" sur cette scène l'équipage nettoie le canon.
Remarquez la mitrailleuse 12,7 mm au deuxième plan. (Photo Gajac).
Mais cette configuration limitait trop la capacité d'emport de munitions. Il est possible que parfois l'on ait utilisé seulement une 50 et le canon, ou le canon seul.
Pour ce qui est de "l'officialisation" des modifications de l’appareil pour le montage du canon MG-151, l'étude a été réalisée par la CEPA (Commission essais de la Marine basée à Saint-Raphaël) et des affûts ont été industrialisés sous le logo "GHAN-60". Ces affûts ont été montés ensuite sur des H-34 Pirate comme sur des HSS.
Vue de droite d'un "Pirate" équipé de son canon de 20 mm et sa mitrailleuse de 12,7 en sabord.
Il semble qu'en plus de l'EH 2 (escadron d'hélicoptère n° 2) les autres escadrons équipés de «Pirate» furent les EH 1 d'Alger et EH 3 de la Boufarik.
Un système d'emport de bombes a été également essayé sur H-34 par l'AA à la 22 EH d'Oran, sous le commandement du colonel Brunet ; accrochage des bombes à un cadre fixé aux attaches de sling ; le système de visée très particulier était fait de tiges en corde à piano et billes de couleurs.
Autre système de largage un peu folklorique : rampe inclinée installée au niveau de la porte cargo avec une trappe commandée manuellement.
En plus du canon de 20 sur son "pot de fleurs" au droit de la porte cargo et des mitrailleuses de sabord aux fenêtres gauche et droite, des tubes LRAC assemblés sur un bâti en bois, puis des paniers SNEB (un peu plus sérieux) avaient été installés sous le bâti support de treuil mais seulement pour des expérimentations.
Le H-34 "pirate" en vol. Le canon du MG 151/20 est bien visible. (Photo Gajac.)
Au final, seuls ont été conservés le canon et les mitrailleuses. Il semble que souvent une des deux mitrailleuses de gauche ait été supprimée. Ces installations ont fait l'objet de modifications officielles appliquées sur les H-34 Pirate.
Certains HSS de l'Aéronautique navale ont également été aménagés de façon sensiblement identique. En plus du canon, l'armement était parfois complété par deux supports latéraux équipés chacun de 2 fois 3 ou 4 tubes de LRAC (105 mm à priori), plus, à gauche, un panier SNEB (65 mm).
Un autre détail du montage du canon sur affut marine du 20 mm MG 151/20 vue de droite. Notez sur le fuselage le texte "appareil capable pirate " (Photo Chauduc).
Plusieurs publications indiquent que les tireurs étaient des commandos de l'air, mais de très nombreux témoignages d’appelés du contingents et d'anciens tireurs dont au moins deux membres de la FNACA, qui nous ont envoyé les preuves de leur participation et de leur qualification, nous confirment que les tireurs étaient en très grande partie des appelés du contingent. Ces tireurs, qui avaient pour la plupart le grade de sergent, avaient été formés à la DIOM de Caen. Il est aussi (presque) avéré que dans la plus grande partie des cas ce furent les tireurs appelés qui formèrent les commandos de l’air, lorsque les tireurs formés au DIOM ne furent plus assez nombreux pour les nombreuses missions que ces « Pirate » avaient à accomplir.
La formation des tireurs du contingent se faisait sur la base de Caen Carpiquet siège de la DIOM (Division d'Instruction des Observateurs Mitrailleurs). Trois mois de stages partagés entre l'instruction militaire, les cours spécifiquement aéronautiques (navigation, météo). L'entraînement, principalement effectué sur des avions, préparait les hommes aux fonctions d'observateurs, navigateurs, cette formation était ouverte aussi bien aux officiers de réserve (qui briguaient le brevet d’observateur) et aux hommes de troupe qui eux devenaient tireurs et sortaient de l’école avec un grade de caporal-chef ou de sergent... C’est plus tard que l’affectation à des unités équipées d’hélicoptères transformèrent ces observateurs en tireurs canons ou mitrailleuses...
Les témoignages confirment que les appareils utilisés normalement étaient équipés d'un canon MG 151, placé sur la porte droite de l'appareil, et de deux ou trois mitrailleuses de 12,7 mm (50 ou 50/100 de pouce). Une à droite et deux à gauche.
Le plein d'un H-34 pirate dans le djebel avec la pompe Japy (Photo Gajac).
Les appareils étaient en contact avec les troupes au sol et les avions volant dans les zones grâce à un équipement radio important : VHF UHF et SCR 300 pour les contacts avec les troupes au sol.
Évidemment, le vol porte ouverte, s'il était agréable lors des vols l'été, l'était nettement moins l'hiver, rien n'était prévu pour la protection au froid des mitrailleurs-canonniers.
Les missions de ces «Pirates» étaient la protection des hélicos transport, la protection de convois, l'aide à la récupération des pilotes accidentés en campagne.
Cette activité vient d'être reprise par le «Caracal» d'Eurocopter dans les armées françaises (Marine, Armée de l'Air et Armée de Terre).
La mission de ces appareils, avec récupération de sanglier ou de gazelle tués parfois à la mitrailleuse servait principalement à remonter le moral des équipages.
© Jacques Moulin 2008 revu en 2011.
NB : cet article n'a pu être écrit que grâce à Marcel Gajac, ancien canonnier sur H-34 et adhérent de la FNACA.
Témoignage de Marcel Gajac
« J'étais en Algérie appelé, et, mitrailleur sur hélicoptères lourds du 7-11-1959 au 16-8-1961, d'abord à l'EH3 (Escadron d'hélicoptère lourd 1/058 à Boufarik) puis à la 23ème escadre d'hélicoptères basée à la Réghaïa.
J'ai été décoré de la croix de la valeur militaire avec palme en Algérie même, puis d'une étoile de vermeil, ensuite en 1970 de la médaille militaire, et bien sûr de la croix du combattant plus tard. (…) Ces tireurs étaient des APPELES DE L'ARMEE DE L'AIR, volontaires pour suivre une formation d'Observateur mitrailleur.
Cette formation eut lieu à Caen à la BE 720 (Carpiquet) à la DIOM (Division Instruction Observateur Mitrailleur). Nous avons volé sur T-6 et MS 733 et été formés à la navigation, à la recherche d'objectifs, description d'objectifs, etc...
En ce qui me concerne j'ai obtenu le certificat d'aptitude aux fonctions de mitrailleur en Avion sous le N° 101 à compter du 22 octobre 1959, puis le brevet mitrailleur en avion sous le N° 5346 à compter du 26-5-1960.
Envoyé en Algérie le 7-11-1959 jusqu'au 16-8-1961 j'ai servi comme mitrailleur sur H-34 (Sikorsky S58). J’ai fait 264 missions en 393 h 55 de vol je sais donc de quoi je parle. (…)
Et les commandos alors pourquoi les commandos? Tout simplement parce que nous avons formé, nous les appelés, des commandos à la fonction de mitrailleur suite je crois à la dissolution de leur division.
Et c'est ici que l'histoire des mitrailleurs sur hélicoptères lourds est remise à l’endroit, sans enlever les mérites et valeurs des commandos que je respecte.
Gajac Marcel (mars 2007)
40160 Parentis en born
Gajac Marcel: appelé du contingent de la classe 59/2 appelé le 5 mai 1959 à la base de Cognac volontaire pour suivre une formation d'Observateurs mitrailleurs à la DIOM. Dans sa formation il a volé 38 h 36 sur T-6 et MS-733. Breveté mitrailleur.
Nommé au grade de caporal corps du PN le 01 10 59, muté à l'E H 3 de Boufarik sur H-34 comme mitrailleur. Son H-34 pirate a été touché deux fois (deux fois trois trous). Il termina son service avec environ 500 heures de vol sur pirate.
Il a la croix de la valeur militaire avec palme et étoile de vermeil, la médaille militaire et, évidemment la Croix du combattant.
Un appareil au sol peut-être au Tchad, 1969 au Tchad l'Armée de l'air envoya une unité d'une vingtaine d'H-34 avec 2 à 3 hélicoptères armés - uniquement du canon de 20 mm.
Cette première intervention française eut lieu d’août 1969 à juillet 1973,
les tireurs étaient à cette époque uniquement des engagés.
Un groupe de H-34 dont quelques "Pirate" dans le djebel. (Photo Gajac)
Caractéristiques des armements
Canon Mauser MG 151/20
C'était un canon d'origine Mauser dérivé d'une mitrailleuse de 15,1 mm d'où son nom. Il s'agissait d'une arme légère, développée pour l'aviation, d'un poids de 42 kg. L'arme est alimentée par des bandes d'obus agrafés.
Longueur de l'arme montée 1,76 m ; vitesses initiales 705 m/s ; Cadence théorique 700 coups minute ; portée de tir (théorique) 7.000 mètres ; portée efficace de tir : 1.500 à 2.000 mètres.
Mitrailleuse Browning calibre 0.50 ou 12,7 mm
Arme à culasse calée tirant des bandes continues de cartouches de 12,7 mm d'un poids de 28 kg pour sa version aéronautique.
Ces mitrailleuses étaient partout en AFN, Avions (P-47), Blindés...
Vitesses initiales 850 m/s ; cadence théorique de tir 1.000 coups/minute ; durée théorique de tir continue 80 cartouches ; portée théorique de tir 7.000 m ; portée efficace de tir 1.200 à 1.500 mètres.
Ces mitrailleuses sont encore fabriquées et utilisées à l’heure actuelle.
Pour des renseignements complémentaires consultez l’article sur les armements des aéronefs
Le côté gauche d'un «Pirate " celui-ci n'est armé que d'une 12,7
mais on peut voir aussi le filtre à sable sur les entrées d'air. (Photo Norbert Forget).
Le même appareil, un mécano intervient sur la boite de transfert,
les cercles noirs semblent indiquer des impacts de tir ennemi. (Photo Norbert Forget).
Remarque d'un lecteur
A propos de cette "affaire" de Pirate, on remarque quatre impacts de balles, localisés par des cercles et flèche : les deux situés en arrière des fenêtres cargo gauches n'ont à priori pas entrainé de conséquences graves, il n'y a pas d'éléments sensibles dans ce secteur à part l'arbre de transmission arrière.
Par contre une flèche indique un impact localisé dans l'environnement direct de la boite de transmission principale (BTP). Là par contre il y a eu une grave avarie, en témoignent les traces d'écoulement d'huile sur le côté gauche du fuselage; on peut présumer que soit la BTP elle-même, soit une tuyauterie d'huile de celle-ci ou une tuyauterie du circuit hydraulique a été touchée.
Un quatrième impact est signalé sur la pâle avant; revêtement ou longeron? quelsqu'un peut-il en témoigner?
Cet appareil était affecté à la 23 ème EH de Boufarik puis Régahia. Dans l'historique des 22 et 23e EH du Général Sagot, il est fait mention de deux cas d'impact unique sur cet appareil; celui-ci n'est pas mentionné.
Pollet Villard Gérard
Une belle photo d'un H-34 "Pirate" en couleur sur le terrain de Batna
devant lui un AAC1 (Ju-52) non identifié. (Photo Norbert Forget).
Le terrain de Tizi Ouzou (Photo Norbert Forget)
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Accident du H 34 Pirate n° 58 398 de l'EHL 3/22
Une photo du H-34 Pirate n° 58 398 de l'EHL 3/22 le 18 septembre 1961, à 10 km d'Aïn Sefra (à Sam Aïn Sefra) quatre morts : Sgt Jean Fourriques, mécanicien, Sgt Daniel Mackow, tireur, Cpt Daniel Fustier, pilote du H-34 Pirate, blessé a été transféré à l'hôpital des grands brulés de Clamart où il est décédé le 25/09/1961 (précision donné par le fils du pilote DCD), Sgt Jean Bordages, pilote blessé mais DCD le 21/9/1961.
Récit d'un témoin
« Appelé en Algérie en 60/61 j'ai assumé les fonctions d'observateur mitrailleur au sein de l'EH 2 basé à Oran. Je me souviens de l'accident du H-34 Pirate N° 58 398, Sur la photo on remarque le cône de queue apparemment non carbonisé et sur la gauche de la photo un amas de débris qui eux semblent carbonisés. D'après mes souvenirs, le capitaine Fustier et le sergent Bordages avaient été transférés à Lyon à l'hôpital des grands brûlés ou ils sont décédés quelques jours plus tard.
Voici quelques renseignements complémentaires de Gérard Pollet Villard (02/09/2010) :
« L'accident du 398 est consécutif à la rupture du cône de queue; mais j'ignore les causes de cette rupture.
Sur la photo en question on distingue nettement la partie arrière du cône, les charnières de repliage du pylône et le stabilisateur; il manque la partie supérieure du pylône qui se trouve vraisemblablement sur la droite où l'on distingue l'extrémité d'une pâle de rotor anti-couple. L'ensemble est nettement séparé du reste de l'appareil et ne porte en toute logique aucune trace d'incendie.
Triste souvenir; à part le mitrailleur, je connaissais très bien l'équipage et particulièrement le collègue mécanicien Fourriques.