Le AAC-1 "Toucan"
(Junkers 52-3m)
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© Jacques Moulin revu en 2013.
Profil publié avec l'aimable autorisation de Patrice Gaubert.
Un AAC-1 « Toucan » en AFN le 17/11/1954. (DR)
4 – Un AAC-1 en couleurs (DR).
Un Junkers 52 3m récupéré, remarquez sous l'aile droite la cocarde française en surimpression sur la croix allemande. (Archives Thierry Matra)
Le Junkers 52-3m, avec son allure particulière dû à son train fixe, à son fuselage en tôle ondulée et sa silhouette très particulière de trimoteur, était parfaitement reconnaissable.
Appareil d'origine allemande, le Junkers Ju 52 3m (surnommé Tante Ju par les Allemands) était un avion de transport construit par l’Allemand Junkers. Pourtant il fut construit pendant l’Occupation par une usine française pour la Luftwaffe et sa fabrication continua après-guerre sous la désignation de « AAC-1 » (Atelier Aéronautique de Colombes).
AAC-1 /Ju 52-3m n° 256 YW, de l'école de Marrakech, vu à Rabat, Maroc, le 2/9/1959.
(Archives Marcel Fluet Lecerf).
Origine.
Conçu au début des années 1930 par la firme allemande Junkers comme un avion de transport civil monomoteur, le Junkers Ju 52 fera son premier vol en septembre 1930. Sa structure en tôle ondulée, qui lui venait de ses prédécesseurs étudiés pendant l’entre-deux guerres par les bureaux d’études Junkers, lui apporte alors une robustesse inédite pour l'époque. Mais l'avion est clairement sous-motorisé. Aussi, dès avril 1931, le septième exemplaire du Ju 52 reçoit deux moteurs supplémentaires, montés sur les ailes. Il dispose ainsi de trois moteurs d'origine américaine Pratt & Whitney «Hornet» de 550 chevaux. C’est dans cette version trimoteur qu’il effectua son premier vol en avril 1932. Par la suite et pour la série, les moteurs furent remplacés par des BMW 132 de diverses versions. L'avion devient alors Ju 52-3m (3m pour : trois moteurs). C'était un avion de transport capable d'emporter dix-sept passagers. Il entre en service en 1932 dans la Lufthansa (compagnie civile allemande) et fait rapidement l'objet de commandes d'autres compagnies aériennes.
La Luftwaffe (aviation militaire) manifeste vite son intérêt pour le Junkers Ju 52-3m qu'elle destine à la fois au transport (de matériel ou de parachutistes) et au bombardement. Une version spéciale est donc construite à partir de 1934, capable d'emporter 1.500 kg de bombes ainsi que des mitrailleuses pour assurer sa défense.
Il semble que c'est cette version qui opérera à Guernica, en Espagne, avec l'effet que l'on connaît sur la population civile.
AAC.1 n° 50, de transport militaire du Groupe de transport « Maine » en vol probablement en Indochine. (DR).
En effet les Junkers Ju 52 accomplissent leurs premières missions militaires pendant la guerre d'Espagne, au sein de la Légion Condor où ils seront utilisés à la fois comme avions de transport et comme bombardiers. Un peu plus tard ils joueront ensuite un rôle décisif lors des opérations aéroportées du début de la Seconde Guerre mondiale aux Pays-Bas et en Belgique en 1940 et contre la Crète en 1941. Même si les pertes deviennent vite importantes, ces pertes étaient dues à leur vitesse bien trop lente.
Ce sont les Ju 52-3m qui permirent l’utilisation de parachutistes en Hollande et en Belgique en mai 1940 qui se révélèrent déterminant pour la suite de la « Blietzkrieg » et de la Bataille de France. Ceux-ci contournant par voie des airs les obstacles terrestres où les troupes les attendaient.
La capacité du Junkers Ju 52 à opérer à partir de pistes courtes et sommairement aménagées était fort appréciée.
7 – AAC.1 n° 20 F-BAJS d’Air France utilisé par le Centre d’Exploitation Postale.
Cet appareil sera détruit le 10/9/45 à Pau.
De nombreuses versions du Junkers Ju 52 ont été construites avant et pendant toute la Seconde Guerre mondiale, avec des moteurs de plus en plus puissants, de meilleurs équipements radio-électriques (radio, etc.), ou des équipements spéciaux, comme des skis pour atterrir sur la neige ou des flotteurs pour se transformer en hydravions. Il fut utilisé abondamment pour ravitailler les troupes allemandes sur le front Russe.
34 – AAC.1 n° 334 du Groupe Béarn en Indochine, l’appareil a effacé une roue du train (ECPA).
35 – AAC.1 n° 334 du Groupe Béarn en Indochine, l’appareil a effacé une roue du train (ECPA)
Construction en France.
Pendant la guerre la fabrication pour l'aviation allemande était répartie entre plusieurs usines situées en Allemagne, en France et en Hongrie.
En effet, en France occupée la collaboration des dirigeants politiques et patronaux français aidant, dès 1941, un accord est trouvé entre le 3eReich et le gouvernement de Vichy et de nombreuses usines aéronautiques qui manquaient de travail furent réquisitionnées pour construire les appareils allemands. Ce furent les anciennes usines Amiot à Colombes qui furent choisies pour la fabrication de ces Junkers 52/3m.
Le premier modèle construit par Amiot fut la version Ju52/3mg10e. Il est possible que plus de 300 appareils aient été fabriqués et livrés à la Luftwaffe.
Par la suite ce fut le dernier modèle de Junkers qui fut fabriqué le Ju52 /3mg14e, une version équipé de moteurs BMW 132 Z3, plus puissants et qui étaient construits par Gnome et Rhône. L’avion deviendra AAC 1 « Toucan ».
Après la guerre, en plus de la France, l'Espagne construisit sa propre version de Ju 52 équipée de moteurs construits sous licence BMW par Elysalde. Il était connu sous le nom de Casa 352.
8 – Un AAC.1 de la flottille 50.S de la Marine (Archives Thierry Matra).
Utilisation par la France.
A la Libération, l’industrie aéronautique française, tout comme l’aviation française, sont presque totalement à reconstruire. Certains Ju 52/3m de diverses versions récupérés seront rapidement utilisés par l’Armée de l’Air pour le transport, comme beaucoup d’autres appareils allemands de prise.
25 – Un Toucan de passage à Boufarik en Algérie (il semble que l’insigne soit effacé). (Photo Jean Berniau).
Les usines Amiot, devenues Ateliers Aéronautiques de Colombes (AAC) après leur nationalisation, continuèrent à fabriquer le Junkers 52 grâce au stock de pièces diverses et surtout des moteurs qui étaient disponibles car, fabriqué en France par Gnome et Rhône (qui fut rapidement nationalisé pour devenir SNECMA), cela permit de continuer la fabrication. De nombreux accessoires furent remplacés par des appareils français. Les usines Amiot vont continuer de construire les Ju52 /3mg14e sous l’appellation AAC1 « Toucan ». Environ 415 avions furent produits.
29 – AAC.1 n°4 F-BAJD d’Air France, appareil ayant volé dans le réseau d’Air France à Dakar, pris en compte le 18/12/1944.(DR)
Cet appareil, pourtant de conception largement dépassée, joua un rôle majeur en Indochine et plus marginal en Algérie où il fut utilisé en grande quantité pour l’entrainement au largage para, pour le transport et même pour la reconnaissance.
L’AAC-1 était la bonne à tout faire des groupes de transport : transport, évacuation sanitaire, parachutage, mais aussi appui feu et bombardement (surtout en Indochine).
Les AAC-1 Ju52 /3mg14e« Toucan » équipèrent les groupes de transport GT1/64 « Béarn », GT 2/62 « Franche-Comté » et 3/64 « Tonkin » en Indochine. Les appareils de ces groupes de transport furent de tous les coups de 1946 à 1952 puis ils furent alors remplacés progressivement par les C-47 « Dakota » et ensuite par les Noratlas.
Un AAC1 de la Marine, flottille 32S (DR)
Déjà surnommé «Tante Ju» par les Allemands, il conserva son surnom dans l'Armée de l'Air française, mais francisé comme nous le fait remarquer un lecteur, il était appelé « la Ju ».
Moins rapide et moins confortable que le C-47 américain, également employé par l'Armée de l'Air, il permettait quand même un décollage plus court et possédait un train fixe plus solide que celui (escamotable) du Dakota, ce qui permettait l’utilisation de terrains à peine préparés.
33 – Belle photo de quatre AAC.1 non identifiés. (DR)
Les premiers groupes de transport métropolitains ont été dotés de Ju 52 qui ont débuté par le GT 3/15 "Maine" (futur GT 2/61, ET 2/64 puis ETOM 82) en 1945, sera équipé partiellement de Ju 52, ce groupe était composé pour moitié de Ju 52 et de DC-3. Un peu plus tard ce fut le GT 4/15 "Poitou" (futur GT 3/61 puis ET 3/61), en 1946.
Après la victoire de mai 1945, le groupe de transport "Maine", alors stationné au Bourget, a participé avec ses "Ju", aux côtés de l'"Anjou" et du "Touraine" (Lyon et Valence) avec leurs C-47, au rapatriement des déportés et des prisonniers dès l’armistice de mai 1945, qui est aussi la date de naissance du GMMTA justement créé à cette fin.
Par la suite cet avion a été très largement utilisé en Indochine pour toutes sortes de missions. (Groupes "Tonkin" en 1945, puis "Béarn" et "Franche-Comté").
31 – L’avant d’un AAC.1 du GSRA 78. De nombreux détails sont visibles (ECPA)
32 – Un AAC.1 du GSRA 78. De nombreux détails sont visibles (ECPA)
Les Junkers Ju 52 furent utilisés durant la guerre d'Algérie de 1956 à 1960, dans les deux GSRA n° 76 et 78 ("Groupes Sahariens de Reconnaissance et d'Appui"). Ils permirent d'effectuer de très nombreuses missions de reconnaissance, de transport, de recherches SATER, de lâcher de parachutistes et d'évacuations sanitaires. Ils assurèrent des détachements à Gabès, Télergma, Biskra, Rémada, Touggourt, El Goléa, Fort Flatters, Polignac, Edjeleh, Tindouf, Adrar. Des missions furent régulièrement réalisées à Tamanrasset, In Eker, In Salah, Bir Djedid, etc.
Le Ju 52 « Toucan » va aussi servir en AEF (Afrique Equatoriale Française). En 1957 des Ju 52 étaient rassemblés à Blida pour constituer l'ESRA 77 en vue d'un départ pour Bangui (AEF).
A Bangui ils servirent à ravitailler les postes du Tibesti et des bases en AEF. Ils seront remplacés plus tard par des C-47.
Divers autres appareils furent utilisés par les écoles, pour la liaison, ou la formation.
Une partie des appareils AAC 1 restant dans l'Armée de l'Air furent ensuite cédés au Portugal qui les utilisa dans ses propres guerres coloniales (Mozambique, Guinée, Angola).
Chargement (ou déchargement) d'un cargo Ju 52 "Toucan"
à Colomb-Béchar le 30/10/56 (Photo Liberto Gil).
Utilisé aussi en transport de troupes, de nombreux militaires traversèrent la Méditerranée sur ces machines bruyantes et vibrantes d'un autre temps... L'AAC 1 fut également utilisé par la Marine Nationale pour le même genre de missions que l'Armée de l'Air. Il fut remplacé par les Nord 2501 «Noratlas», dès 1960. Deux autres unités sont indiquées comme ayant utilisé les AAC.1, ce sont l’ELA 56 Vaucluse et EOM 82 (à Madagascar).
11 – AAC.1 n° 216 de la Marine (Origine Myrone Cuich).
De nombreux AAC 1 furent utilisés par diverses compagnies aériennes, notamment Air France et aussi et c’est moins connu, par de petites compagnie aériennes françaises notamment en province mais aussi dans les colonies (Algérie, en Indochine, au Maroc etc…). Mais rapidement de nombreux avions civils furent cédés à l’Armée de l’Air et aussi à la Marine. Une seule de ces compagnies existe encore (même si elle a changé de propriétaire), c’est Aigle Azur.
30 – Un Casa 352 (T-2B n° 213 code 471.1 de l’Escadron (Eon) 471 de l’EDA espagnol (DR).
De nombreux autres AAC.1 furent aussi utilisés plus ou moins longtemps par diverses administrations dont le SGACC (Secrétariat General à l’Aviation Civile et Commerciale), la Préfecture de Police, l’IGN (Institut Géographique National), le Catre (Centre de Réception et Essais) et l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérodynamiques).
14 – AAC.1 n° 50 de transport militaire vu de l’avant qui appartient au Groupe de transport « Maine » probablement en Indochine. (DR)
Preuve de sa robustesse, trois exemplaires du Junkers Ju 52 ont été utilisés par la compagnie Swiss Air jusque dans les années 1980.
Plusieurs appareils sont conservés dans des musée, notamment le MAE, en Espagne (Casa 352) et au Portugal (AAC.1) et bien sûr en Allemagne et en Suisse ou un appareil (de fabrication Junkers) vole encore parfois...
21 – AAC.1 n° 334 du groupe Béarn pris le 12/6/81 au Bourget (appareil préservé)
(Photo J.L. Ferradou).
© Jacques Moulin 2013
Peu de choses ont été écrites sur les AAC.1, mais l’incontournable TU en parle parfois pour des utilisateurs précis :
TU n° 179 les AAC.1 utilisation par des compagnies françaises.
TU n° 182 les AAC.1 utilisation par Air France et les services de l’Etat. (Hors militaires).
Certain numéros du TU sont toujours disponibles sur le site du "Trait d'Union" bulletin de la branche française d'Air Britain.
1 – Un Junkers du GSRA 76 (insigne sur le nez) en Algérie. (Archives Thierry Matra).
20 – Un AAC.1 en vol (Photo origine Régnier)
19 – Un Toucan en Algérie au roulage seulement sur deux moteurs (Photo Fournier via Claissac).
28 – Un AAC.1 au roulage en Algérie (Origine Boisselon)
Quelques insignes d’unités équipées de Ju 52 :
GT Algérie GT Béarn GT Maine GT Tonkin GT France-Conté
GSRA 78 GSRA 76
Caractéristiques des Ju52 /3mg14e ou AAC.1 «Toucan».
Version construite en France après la guerre (400 exemplaires)
par les Ateliers Aéronautiques de Colombes.
(Peuvent être en partie fausses je n'ai pas trouvé de source incontestables sur le sujet. Merci de compléter, si vous pouvez, avec des indications vérifiés)
Constructeur : Junkers (Allemagne) Ateliers aéronautique de Colombes (France)
Équipage : 3
Missions : transport
Date du premier vol : 7 mars 1932
Dimensions
Envergure : 26,25 m
Longueur : 18,90 m
Hauteur : 4,50 m
Surface alaire : 110, 50 m²
Charge allaire :
Masse
Masse à vide : 6.510 kg
Charge utile :
Masse totale en charge : 10.990 kg
Performances :
Vitesse maxi : 265 km/h
Vitesse de croisière :
Vitesse ascensionnelle :
Autonomie : 870 km
Plafond : 5.500 m
Distance franchissable :
Altitude de croisière :
Rayon d’action :
Armement :
Fixe :
Externe :
Communication radio :
Divers
Un moteur BMW 132 Z3 exposé au MAE (Photo Marc Taffoureau )
Moteur
Marque : BMW >> Gnome et Rhône >> SNECMA
Nombre : 3
Type : 132-Z3
Configuration : 9 cylindres en étoile
Refroidissement : air
Suralimentation :
Puissance normale au sol : 715 ch.
Puissance à 2900 m : 779 ch.
Puissance max au décollage : 789 / 830 ch.
Equivalent puissance :
Régime de l’hélice :
Alésage : 155,60 mm
Course : 169,90 mm
Cylindré totale : 27,7 litres
Taux de compression : 6,5
Poids à sec : 525 kg
Longueur : 1,411 m
Diamètre : 1,380 m
Carburant : Aéronef B 87 octane mini.
Hélice d’origine.
(Ont peut-être été remplacées par des hélices de fabrication française)
Marque : Junkers
Type : P.A.K. 9.20020.A.7
Nombre de pales : 2
Diamètre :
5 – Détail d’un capot moteur du BMW 312 d’un Toucan en AFN. Cette vue dévoile de nombreux détails. (Archives Thierry Matra).
Remarque et compléments des lecteurs du Blog:
Le 04/02/09
Bonjour.
J'aimerais compléter votre article sur le Ju 52.
Cet avion, sur lequel je compte plus de 700 heures de vol en groupe de transport, a été utilisé en dehors de l'Indochine. (Groupes "Tonkin" en 1945, puis "Béarn" et "Franche-Comté").
Les premiers groupes de transport métropolitains à en être dotés ont été le GT 3/15 "Maine" (futur GT 2/61, ET 2/64 puis ETOM 82) en 1945, et le GT 4/15 "Poitou" (futur GT 3/61 puis ET 3/61), en 1946.
En particulier, le "Maine", alors stationné au Bourget, a participé avec ses "Ju", aux côtés de l'"Anjou" et du "Touraine" (Lyon et Valence) avec leurs C-47, au rapatriement des déportés et des prisonniers dès mai 1945, qui est aussi la date de naissance du GMMTA justement créé à cette fin.
L'appellation Armée de l'Air n'a jamais été "Tante Julie", qui était l'appellation allemande, mais nous disions "le Ju" ou "la Julie"...sans tante ...
Pierre MAYET Ancien pilote du Transport Aérien Militaire.
Un autre lecteur nous fait d’autres remarques le 1/1/2011
Le JU-52 « TOUCAN » va servir aussi en AEF. En 1957 des JU 52 étaient rassemblés à Blida pour constituer l'ESRA 77 en vue d'un départ pour Bangui (AEF).
Le premier décollage (j'en étais) se passa le 8 février 1957. Arrivée à Bangui le 12 après quelques escales et une révision des 25 heures pour les moteurs.
A Bangui ils servirent à ravitailler les postes du Tibesti et des bases en AEF. Ils seront remplacés par des C-47 et mon dernier vol sur un JU se passa le 17 septembre 1959.
12 – Un AAC.1 non identifiable. Une croix de lorraine un peu effacée semble apparaitre sur le capot moteur central.Notez le volet qui court sur toute la longueur du bord de fuite. (DR).
2 – Deux AAC.1 non identifiables. (DR)
10 – Un Toucan en vol probablement en AFN (DR)
13 – AAC.1 n° 50 de transport militaire qui appartient au Groupe de transport « Maine »
probablement en Indochine. (DR)