Les avions que nous aurions pu voir.
© Jacques Moulin 2010.
Dès le début de la guerre d’Algérie, le commandement fut confronté au manque d’avions adaptés à la lutte antiguérilla, les militaires durent utiliser divers types d’avions disponibles et non indispensables à la défense de la France qui était alors dans l’OTAN et qui de ce fait avait pour obligation de conserver en Europe des forces de défenses aériennes à un niveau fixé.
Une partie de ces besoins fut comblée par des avions d’école (MS 472/475) qui furent armés pour l’occasion, ou divers appareils d’origine allemande (Siebel/Martinet, MS 500, Arado/Sipa, ou Ju 52/AAC 1) encore fabriqués en France.
Aucun appareil en projet n’était mûr pour être construit en série. Alors, suite à des demandes qui furent exprimées dès 1955, certains constructeurs proposèrent des avions plus ou moins bien adaptés à ce genre de missions. Toutefois, le matériel n’était évidemment pas disponible et ne devait pas l’être avant un délai assez long, la construction en série n’ayant rien à voir avec celle d’un prototype.
Aucun de ces projets ne fut suivi, soit parce qu’ils étaient ratés, soit parce qu’ils ne correspondaient pas au besoin ou, quand ils furent essayés, pour des défauts parfois imaginaires, par suite d’accident survenu au prototype ou quelquefois par manque de puissance des moteurs (notamment le Potez 75). Mais la première raison de l’arrêt de ces projets est principalement le fait que les stocks américains étaient importants et que les avions achetés étaient bien moins onéreux que la fabrication d’appareils spécifiques.
Aucun de ces avions ne fut construit en série car, devant l'évolution de la guerre en Algérie et l'urgence d’équipement en avions d’appui-feu, l'Armée de l'Air se résoudra rapidement à commander des appareils disponibles dans les surplus américains (T-6 G, AD 4 Skyraider et T-28 A/D Fennec en parallèle avec des commandes d’hélicoptères de différents modèles), renonçant ainsi aux matériels français et ce dès mars 1960, bien que la guerre durait depuis 1954…
Un autre impératif apparu rapidement, le relief du Maghreb nécessitait des appareils très maniables et les hélicoptères étaient les mieux adaptés à ce travail dans des lieux particulièrement tourmentés.
Liste des principaux prototypes
Monomoteurs
Potez 75
Ms 1500 "Épervier".
Bimoteurs
Sipa 1100
SE 116, SE 117 "Voltigeur".
Dassault MD 410 "Spirale"
Avions à réaction hors programme
Breguet 961/962
D’autres appareils furent étudiés mais n’arrivèrent pas au stade de prototype.
*************************************************************************************************************************
Nous allons donc nous intéresser en premier au Potez, la suite viendra rapidement.
Les monomoteurs: Le Potez 75 |
© Jacques Moulin 2010
Le Potez 75 dans sa première version.
La première version du Potez 75 en vol (Photo constructeur).
Lors des nationalisations de 1936, Henry Potez avait perdu son usine qu’il avait montée et qui avait une superficie de 25.000 m2 à Méaulte, près d'Albert dans la Somme. Il était devenu directeur de la SNCAN (Nord Aviation) dont il avait conservé le département moteurs et, en 1952, il envisageait de reprendre la construction d’avions. Le premier projet fut un biplace d'attaque au sol, prévu sur le terrain européen pour la lutte anti-char. Il fit son premier vol le 10 juin 1953 piloté par le pilote de la marque qui avait essayé de nombreux prototype avant-guerre, il avait notamment gagné la coupe Deutsch sur Potez 52 en 1933, Georges Détré.
En fait, la conception du Potez 75 date de bien avant le début de la guerre d’Algérie.
Voici ce qu’il déclarait lors de sa présentation :
«...On retrouvera les chars et il faudra disposer des moyens de les arrêter... Il faudra un avion porte-engins pas trop rapide, mais assez souple, car le sol, lui, est toujours à la vitesse « zéro » ! Si l'on passe trop vite ou trop haut, on ne voit rien. Les hommes au sol n'ont pas peur d'un avion volant à 3.000 mètres, parce qu'ils savent bien que cet avion ne voit pas les détails du sol. Si, au contraire, vous passez à 20 ou 30 mètres, vous avez toutes les chances de débusquer l'adversaire, même si vous ne l’avez pas vu tout de suite... Par contre, l'avion d'attaque doit être blindé suffisamment pour éviter d'être touché trop facilement... Je me souviens, alors que le Potez 75 était en essais militaires réels à Biskra, d'avoir appris que l'avion avait été touché. Son équipage ne s'aperçut de la chose qu'à l'atterrissage, lorsque l'avion partit en cheval de bois alors que son pilote appuyait sur les freins. Une balle avait sectionné une tuyauterie de commande de frein d'un seul côté» et une autre s'était logée dans le moyeu de l'hélice... Il faut se méfier des tireurs isolés au sol, qui sont le plus souvent de très bons tireurs. Contre cela, un blindage judicieux, et pas forcément trop lourd, suffit largement... »
L’appareil était un monoplan à aile médiane, bipoutre, de construction entièrement métallique et (du moins sur les premières versions du prototype) à cabine pilote ouverte. L’avion était à décollage et atterrissage courts (ADAC ou STOL) pour terrains non aménagés, biplace entièrement métallique à aile médiane, avec moteur en position arrière et hélice propulsive, l'appareil à train d'atterrissage tricycle fixe.
L’appareil montra immédiatement ses défauts. En effet, dès sa conception, le Potez 75, dont le premier prototype avait été réalisé en cinq mois, a posé un problème d'utilisation : à quoi pourrait-il bien servir ? Et dès le premier vol du prototype le 10 juin 1953 il s'est aussitôt révélé comme un appareil dépassé, sa conception est trop ancienne et sa motorisation bien trop faible.
La pemière version du Potez 75 au sol 3/4 arrière.(Photo constructeur)
Le Potez 75 1ère version au Bourget en juin 1957. (Photo d'un photographe inconnu transmise par Marcel Fluet-Lecerf)
La pemière version du Potez 75 en vol.(Photo constructeur)
Le poste de pilotage à l'air libre avec porte ouverte permettant de monter facilement au poste de pilotage (Photo constructeur).
Rejeté en tant qu'avion anti-char, il fut réactivé pour répondre, en septembre 1954, à une fiche programme de l’Armée de l’Air définissant les caractéristiques d'un avion multi-missions bi turbopropulseurs : poids inférieur à 5 tonnes, autonomie de 2.000 km, vitesse d'environ 400 km/h en croisière, armement comprenant deux canons de 30 mm, des bombes, des roquettes ou des engins air-sol.
Henry Potez pensa que même si l’avion était monomoteur il pouvait être utile pour l’appui-feu, même si l’appareil devait avoir également une capacité de transport de liaison et d’entraînement, ce qui n’était évidemment pas le cas du Potez 75.
Malgré la non-conformité du Potez-75 il fut quand même proposé comme appareil d'appui-feu, d'attaque sol, d'observation et d'engin anti-insurrection, il sera même testé en Algérie. Probablement par défaut, juste pour savoir si des fois il ne pourrait pas être une petite partie de la solution, puisqu’aucun autre prototype n’était encore disponible.
C’est donc en 1956, que l’appareil effectua des essais opérationnels sur le terrain réel d’Afrique du Nord, à Biskra. Pour la première fois, un avion privé - il était la propriété de M. Potez qui l’avait réalisé à ses frais - était mis à la disposition des autorités militaires aux fins d’expérimentation en opérations de guerre (enfin c’était à l’époque des opérations de maintien de l’ordre).
La deuxième version, le même toujours avec cabine pilote ouverte après camouflage. (Photo constructeur).
Photo de la version 2 en couleurs
(Photo AviMag, probablement de Roger Demeulle)
Après évaluation, l'Armée de l'Air et l'ALAT le refuseront. Lors de cette expérimentation le pilote était encore dans un cockpit ouvert (problème rectifié sur la seconde version du prototype) et le canonnier, avec son armement fixe, était tributaire de la manœuvre du pilote qui, lui, ne pouvait pas déclencher le tir ! De plus les performances étaient nettement insuffisantes.
Le prototype de l’appareil construit en un seul exemplaire fut successivement décliné en (au moins) quatre versions qui sont illustrées ci-dessous. On peut penser que la faible puissance des moteurs handicapa beaucoup l’appareil. En effet à cette époque les militaires cherchaient des « camions à bombes », un désir qui ne sera rempli que par les Skyraider, évidemment un peu tard. Une pré-production de 15 exemplaires et une production de 100 ont été envisagées, mais aucun appareil ne fut construit.
Ce fut le seul prototype d’appareil étudié en France qui fut essayé sur le terrain, en AFN, mais son utilisation ne convainquit pas les utilisateurs potentiels.
L'appareil fut abandonné en juin 1957 et le prototype servit d'avion de liaison au général Redon jusqu'à son crash, en septembre 1958.
La 3ème version, avec la verrière du pilote fermée(Photo constructeur.)
La 4ème version avec cabine avant modifiée. (Photos constructeur).
Contrairement à ce qui a été écrit, il semble qu’un seul exemplaire du Potez 75 ait été construit.
Caractéristiques :
Appareil anti-char, et attaque au sol anti guérilla.
Equipage : 2
Motorisation : 1 Potez 8D-32 de 450 ch.
Dimensions
Envergure : 13,00 m
Longueur : 9,10 m
Hauteur : 2,65 m
Masse
Masse à vide : 1.675 kg
Masse totale : 2.500 kg
Performances
Vitesse maximale : 275 km/h
Vitesse ascensionnelle : 7,00 m/s
Autonomie : 750 km
Armement :
4 mitrailleuses MAC 34/39 de 7.5 mm dans le nez, alimentation par bande, 8 roquettes sous voilure, divers type de roquettes pouvaient être utilisés.
Moteur Potez 8-D-32
Pan de Robert Roux de la première version.
Plan de Jean Cuny de la dernière version.
Vues recto et verso de la pub du Potez 75 d'époque.
© Jacques Moulin 2010/2012.