Les Vultee A-35 “Vengeance” français. |
© Alain PELLETIER
(Adapté et complété en 2013 par Jacques Moulin avec l’accord de l’auteur).
Dès 1939 les diverses armée de l’air avaient remarqué que l’Allemagne avait, presque seule, développés des bombardiers en piqué spécifiques : les Stuka ou plus exactement les Junkers JU 87.
La France par exemple était très démunie dans l’étude d’appareils capable de plonger à la verticale pour lâcher une bombe avec la plus grande précision possible.
Comme aucun constructeur français ne pouvait proposer des tels appareils rapidement, les autorités françaises se retournèrent vers les USA.
C’est pour cela que la France passa une commande pour 300 appareils du modèle Vultee 72 (V-72), avec des livraisons prévues pour débuter en Octobre 1940, mais l’armistice et la fin des opérations en France en juin 40 stoppa toute la commande.
Deux Vultee A-35B français en AFN, non identifiés, L’appareil est équipé d’échappements standards.
Le V-72 avait été construit avec des fonds privés de l’entreprise Vultee et était destiné au marché export. C’était un monomoteur monoplan à aile basse cantilever, avec une cabine fermée par un cockpit coulissant avec un équipage de deux hommes.
Le moteur à refroidissement à air était un Wright Cyclone en double étoile type GR-2600-A5B-5 la puissance nominale du moteur était de 1.600 ch (1.200 kW). Il était armé de mitrailleuses de calibre 0,30 (7,62 mm) dans le cockpit arrière. L'avion pouvait emporter jusqu'à 680 kg de bombes dans une soute à bombes interne et aussi sur des supports d'ailes extérieures.
Baptisé « Vengeance » par son constructeur, ce nom fut conservé par les britanniques. Il était spécialement conçu pour plonger à la verticale. Pour cela il y avait un angle d'incidence égale à 0° sur l'aile pour mieux aligner le nez de l'avion avec la cible pendant la plongée. Mais cela se traduisait en position de croisière par une position cabré de l'avion limitant la vue du pilote vers avant, cela rendait l’atterrissage délicat par manque de visibilité du pilote.
Le premier prototype du V-72 a volé sur le terrain de l'usine Vultee à Downey, en Californie, le 30 Mars 1941. L’avion d’origine fut commandé par les militaires US sous la désignation de Vultee A-31.
Vultee A-35B 131 28(x) apparemment le même que la page précédente.
Après l'entrée en guerre des États-Unis à la suite de l’attaque sur Pearl-Harbor, un certain nombre de V-72 et d’A-31 avion construit pour l’export et non encore livré, ont été récupéré pour une utilisation par l'Army Air Corps.
L'Army Air Corps était alors très intéressé par bombardement en piqué, il fut décidé d'ordonner la production d'une version améliorée du « Vengeance », désigné A-35, à la fois pour son propre usage et pour l'approvisionnement de ses alliés sous prêts-bails. Il était équipé d'un moteur plus puissant Wright Cyclone Double R-2600-19 et l'armement amélioré. Comme les pilotes d’essais américains de l’armée n'aimait pas beaucoup la mauvaise visibilité du A-31 qui résultait de l'aile à incidence zéro, cela a été corrigée dans la version A-35, ce qui donne à cette version une meilleure position en vol de croisière, mais cela avait entrainé une perte de précision lors des bombardement en piqué. Lorsque la production des « Vengeance » a cessée en 1944, un total de 1.931 avions avait été produit. La plupart par l'usine de Vultee dans Nashville, Tennessee .
L'indécision quant au type aéronef qui devait remplacer, mais qui n’était pas encore conçu, entraina le maintien de la fabrication jusqu’en 1944 et c’est pour cela que le nombre d’appareils construit a été si élevé, même si les utilisateurs US et même les autres n’ont jamais été convaincu par cet appareils.
Le Vultee A-35B serial US 131198 sur le ventre en AFN, il s’agit de l’accident du 12/10/43 à Tackat (Maroc) du Lt Roy, avion détruit. (Origine Faury).
Utilisation par la France
S'il n'est pas totalement oublié aujourd’hui, le passage des Vultee “Vengeance” dans l'Armée de l'Air n'a pas laissé de très bons souvenirs. Destinés à l'origine à équiper des unités combattantes, ils n'effectuèrent en fait aucune mission opérationnelle, et se forgèrent en l'espace de quelques semaines une réputation qui fit... tâche d'huile.
Le 3 mars 1943, le Commandement des US Army Air Forces annonça le transfert de 67 Vultee A-35 à l'Armée de l'Air afin que celle-ci puisse en équiper trois groupes de bombardiers en piqué. Les avions, qui venaient des Etats-Unis via le port de Newark, devaient être pris en compte par les Français à Casablanca, à raison d'une quinzaine par mois.
Impatients de recevoir leurs avions, les Français firent l'impasse sur les chantiers de modifications réclamés par les Britanniques, et le 15 juin 1943, Vultee reçut la confirmation qu'un premier lot de 37 avions non modifiés pouvait être livrés aux Français. Dans les faits, un premier lot de 30 A-35A fut cédé le 12 août 1943, et un second lot de 37 A-35B le 23 septembre 1943. Sur le premier lot, un avion fut détruit alors qu'il était encore aux mains des Américains (41-31200) et ce furent donc 66 avions qui furent pris en compte par les Français.
Le Vultee A-35B serial US 131296, appareil équipé d’échappements mi-longs. Cette photographie, réputée prise à Agadir. Telles qu'elles sont peintes les marques de nationalité laissent à penser que seul le blanc et le jaune de la cocarde ont été peints (faute de rouge ?), la cocarde laisse deviner l’étoile US (origine Petitjean)
Les trois groupes en question étaient le Groupe de Bombardement GB I/32, qui volait alors sur Douglas DB-7, Morane-Saulnier MS.230 et Hanriot H.182, le GB II/62 qui utilisait des Martin 167F, et le GB I/17 récemment créé. Placé sous les ordres du Cdt Besnard, le GB I/32 fit mouvement sur Meknès le 20 mai 1943 afin de prendre en compte le nouveau matériel. Les pilotes commencèrent à voler sur “Vengeance” fin juin, effectuant pour l'essentiel des missions d'entraînement au vol de groupe (de jour comme de nuit), au bombardement en piqué et au tir à la mitrailleuse sur manche remorquée. Mais dès les premiers vols, les A-35 se révélèrent “déficients”, en particulier les mécaniciens constatèrent une consommation d'huile exagérée.
Les bouffeurs d'huile du I/32
Au mois d'août, le GB II/62, utilisant des avions du GB I/32, entama la transformation de ses pilotes sur Vultee A-35 mais cette procédure fut de courte duré car, dès le 31 août, ce groupe fusionna avec le GB I/32 et son commandant, le Cdt De Maricourt prit la tête du GB I/32 le 18 septembre suivant.
L'entraînement des pilotes du GB I/32 se poursuivit donc et, compte tenu des innombrables difficultés rencontrées avec le matériel, la décision fut prise de ne pas engager les “Vengeance” dans des missions de combat. À la place, les équipages effectuèrent des missions d'instruction au profit de l'École des mitrailleurs d'Agadir. Le taux d'indisponibilité était effrayant. Un rapport de l'époque précise qu'entre le 1er octobre 1943 et le 20 avril 1944, “90 avions furent été consommés” (sic). Pour le seul mois de décembre, il y eut 16 mouvements d'entrée-sortie d'avions. Le 1er janvier 1944, le groupe disposait de 25 avions qui tous — ou presque — affichaient une consommation d'huile supérieure à 30 litres par heure de vol ! À ce problème insensé, s'en ajoutaient plusieurs autres, en particulier l'apparition de criques sur les trains d'atterrissage qui furent la cause de plusieurs accidents sérieux, à tel point que le 18 octobre le Cdt de Maricourt arrêta tous les vols sur A-35 en attendant le passage d'une commission technique. Celle-ci arriva le 22 octobre et conseilla le remplacement d'un certain nombre de réparations, et les vols purent reprendre dès le 26. Sur les 25 machines mentionnées, neuf étaient absolument inutilisables (moteur à changer), et deux indisponibles à la suite d'accidents (le 41-31283 accidenté à Igoudar le 15 décembre, et irréparable ; et le 41-31295 accidenté au décollage le 2 décembre).
Six Vultee A-35B le premier serial US 131281 (?) est équipé d’échappements longs,
(origine ECPA)
Début février, le nombre d'avions en compte était tombé à 19, dix avions étant partis à Meknès, Rabat et Casablanca pour changement de moteur ou réforme, et quatre avions (soi-disant révisés) ayant été pris en compte. Ce même mois de février, sans doute pressés d'écouler leurs stocks, les Américains avaient annoncé aux Français leur intention de leur livrer 36 “Vengeance” supplémentaires alors que ces derniers avaient demandé la livraison de 100 A-24. Le chef de la mission française à Washington protesta avec véhémence, arguant du manque de fiabilité des moteurs et, bien sûr, de la consommation d'huile qualifiée “d'extravagante”. Bien lui en prit car, heureusement, ces avions n'arrivèrent jamais. Le mois suivant, la situation se détériora plus encore puisque le groupe ne disposait plus que de dix avions, tous les autres ayant pris la direction de Rabat et Marrakech pour changement de moteur (avec des R-2600 A5B5 moins puissants mais plus fiables). La situation empirait de jour en jour et le rédacteur du livre de marche du groupe s'en fit l'écho : “Nos Vultee commencent à demander grâce, écrivait-il, il leur faut beaucoup d'huile !!! 60 litres par heure de vol. Aussi les emmène-t-on vers Rabat et Meknès où ils y seront stockés ou réparés... Mais avant la fin du mois, les vols s'arrêtent faute de Vultee!!! Que d'huile ! Que d'huile !” Le 11 mars 1944, les “Vengeance” sont une nouvelle fois interdits de vol, et le 17 les premiers DB.7 chargés d'assurer la relève arrivèrent à la plus grande joie de tous.“Si les Vultee s'en vont, les Douglas DB.7 arrivent et maintenant, au grand étonnement des mécaniciens, les pleins d'huile se font... avec quelques gouttes !!!”
Plusieurs avions révisés ayant été pris en compte, le 1er avril 1944 le GB I/32 disposait de 16 “Vengeance”, mais à ce moment-là, la décision avait été prise de ne plus les utiliser. Le 1er mai, il n'y avait plus que cinq avions en ligne (41-31201, 41-31203, 41-31212, 41-31216 et 41-31269), dont un, accidenté, ne pouvait pas être remis en état (41-31269). Tous quittèrent le groupe le 15 mai. La carrière des “Vengeance” au I/32 avait duré un peu plus de dix mois, dix mois au cours desquels ils s'étaient forgé une réputation épouvantable. Le 16 mai 1944, le GB I/32 fit mouvement sur Saint Arnaud (Algérie), tandis que le personnel navigant et les mécaniciens partaient à Télergma pour commencer leur entraînement sur Martin B-26 “Marauder”. Mais ceci est une autre histoire...
deux autres passages fugaces...
L'autre Groupe de Bombardement destiné à être équipé de “Vengeance” était le GB I/17 “Picardie”. Ce groupe avait été créé en juin 1943 et placé sous le commandement du Cdt Noël. Sa deuxième escadrille devait être dotée de dix Vultee A-35, avions qui furent convoyés non seulement par ses propres pilotes mais aussi par des équipages du GB I/32. Les difficultés inhérentes à l'avion se répétèrent à l'envi et la décision fut rapidement prise de remplacer les “Vengeance” par des Douglas A-24 (version USAAF du SBD “Dauntless”). Au printemps suivant, le groupe disposait de dix A-24B (voir inventaire), et ce fut aux commandes de ces avions que les équipages du “Picardie” s'illustrèrent lors des combats pour la réduction des Poches de l'Atlantique, à l'automne 1944.
À partir du mois de janvier 1944, l'escadrille “Saumur” du Groupe de Transport GT 2/15 “Anjou” utilisa aussi trois ou quatre Vultee A-35 pour des missions d'entraînement et le remorquage de cibles au profit des canonniers de DCA. Ces avions vinrent compléter un parc avions déjà très disparate puisqu'il comprenait cinq Caudron C.445 “Goéland”, un Caudron C.635 “Simoun”, un Lockheed “Hudson” et deux Amiot 143 antédiluviens. Comme ailleurs, les mécaniciens déplorèrent la consommation excessive en huile, et les avions furent interdits de vol à une reprise au moins (du 6 au 26 mars 1944). Ils furent retirés du service au mois septembre sans avoir laissé le moindre regret.
Il semble qu’après analyse des quelques photos connues, que certain des A-35 français aient été équipés d’échappements allongés, de deux types, long et mi-long et que certains aient conservés les échappements d’origine, mais cela a pu varier suivant les époques. Nous ne connaissons pas les raisons qui ont déclenché ses modifications probablement d’origine française et très probablement locale. Une des explication est peut-être la consomation d'huile qui devait resortir pulvérisée dans les échappement et ainsi envahir les verrières.
Un autre A-35 A ( ?) avec échappements mi-longs serial US 131225, appareil utilisé par le GB 2/15 et 1/32. Remarquez les dégâts de l’échappement sur la peinture du fuselage (photo prise à Meknès, (collection Marcel Fluet).
La fin est écrite ici dans le rapport d'instruction du 3 juin1946sur les appareils présent dans les écoles du Maroc au sujet des A-35: "ne doivent pas être remis en service" RIP...
Vous pouvez le voir en vol ici :
http://www.youtube.com/watch?v=k4ohwlL_QhI
Caractéristiques des Vultee A-35 B.
(Peuvent être en partie fausses je n'ai pas trouvé de source incontestables sur le sujet. Merci de compléter, si vous pouvez, avec des indications vérifiés)
Constructeur : Vultee
Équipage : 2 (pilote et navigateur mitrailleur)
Missions : bombardement en piqué
Date du premier vol : 30/3/1941
Constructions : métallique
Première mise en service d’un A-31 : 1941
Nb produit (tous type confondus) : 1932
Nb d’A-35 B construit : 99
Dimensions
Envergure : 14,63 m
Longueur : 12,12 m
Hauteur : 4,67 m
Surface alaire : 30,84 m²
Charge allaire : 210 kg/m²
Masse
Masse à vide : 4411 kg
Charge utile :
Masse totale en charge : 6486 kg
Performances :
Vitesse maxi : 443 km/h à 3350 m
Vitesse de croisière : 378 km/h
Vitesse ascensionnelle :
Autonomie : 2253 km
Plafond : 6860 m
Distance franchissable :
Altitude de croisière :
Rayon d’action :
Armement :
Fixe : 6 mitrailleuses de calibre .50 (12,7 mm) tirant en chasse.
2 mitrailleuses de calibre .30 (7,62 mm) sur tourelle arrière.
Interne : 2 bombes de 230 kg
Externe : 2 bombes de 110 kg sur support d’ailes.
Communication radio :
Inconnu et probablement variable
Moteur
Marque : Wright
Nombre : 1
Type : R 2600 -19 twin-cyclone
Configuration : 14 cylindres en double étoiles.
Refroidissement : air
Suralimentation : oui (compresseur centrifuge à deux vitesse)
Puissance normale au sol :
Puissance à :
Puissance au décollage : 1600 ch
Equivalent puissance :
Régime de l’hélice :
Alésage : 155,60 mm
Course : 160,20 mm
Cylindré totale : 42,7 litres
Taux de compression : 6,9 :1
Poids à sec : 930 kg
Diamètre : 1,397 m
Longueur : 1,576 m (avec accessoires)
Hélice
Marque :
Type :
Nombre de pales : 3
Diamètre :