Algérie été 1954 |
Texte et photos © Jacques Moulin (2010).
Cela n'a peut-être rien à voir avec la Guerre d'Algérie et l'aviation, mais je tenais à vous faire connaître pourquoi j'ai une certaine sympathie pour ce magnifique pays.
Nous sommes à l’été 1954, ce n’était encore pas la guerre dans « nos départements » d’Afrique du Nord et cette histoire n’a même rien à voir avec l’aviation, mais c’est ma première rencontre avec l’Algérie.
Mon lycée technique (alors baptisé École de Métiers) organisait, pour les élèves intéressés, des vacances soit en un lieu fixe (en 1953 cela avait été Royan) soit une colonie itinérante en vélo, en général en Corse. Mais cette année-là, très exceptionnellement, ce fut l’Algérie, une presque aventure...
En accord avec mes parents, j’avais décidé de faire partie de cette « expédition ». Nous devions être une grosse vingtaine d’élèves pour quatre ou cinq accompagnateurs, tous enseignants et une voiture d’accompagnement. Le voyage se déroula comme suit : départ mi-juillet et le retour le 13 août 1954.
Nous étions équipés de nos vélos personnels qu’à cette époque nous possédions tous. Nos affaires étaient dans des sacoches et/ou des sacs à dos. Évidemment, nous avions fait réviser nos bicyclettes qui étaient équipées de pneus neufs et nous avions tous de quoi réparer. Pour ma part je m’étais fait offrir mon premier sac de couchage.
Le Château d’If. (Photo prise du bateau au large de Marseille).
Donc départ de Lyon, en train avec les vélos en soute, pour Marseille ou nous prenons le bateau, Le Kairouan. Arrivée à Alger sans problème puis, le soir, nous dormons dans une école au Cap Matifou, près d’Alger, où il y avait alors une école technique des mécanos d’Air France.
Le deuxième jour départ en groupe pour Dellys, soit une centaine de kilomètres. Il dut y avoir une étape, mais je ne me souviens plus du lieu... A Dellys nous devions loger dans un lycée technique situé en bord de mer près du port, mais, comme le climat était particulièrement clément, nous avons presque tous dormi dehors mais à l’intérieur de l’enceinte du lycée.
C’est sur la route vers Dellys que notre premier et seul accident eut lieu. Un des cyclistes entra en contact un peu brutalement avec une 4 CV Renault, mais sans mal sauf pour le vélo, et notre camarade continua dans la voiture d’accompagnement.
Deux photos de l'accident.
Nous sommes restés plusieurs jours à ce magnifique endroit de basse Kabylie où nous avons tous acheté un chapeau que nous avons porté pendant tout le voyage, et le mien est toujours en ma possession. C’est aussi à Dellys que nous avons rencontré nos premiers Loukoums...
Pendant ce séjour bains de mer, pêche d’oursins avec le fils d’un des employés européens du lycée et aussi visite d’un site situé à 25 km à l’est, que nous avons rejoint en vélo: Tigzirt-sur-Mer et ses ruines romaines.
Une belle photo des ruines de Tigzirt sur Mer.
Deux autres photos de Tigzirt. A l’époque, le bétail pâture sans problème dans les ruines.
Une vue récente il semble que les ruines aient été restaurées et protégées.
(Photo trouvée sur Internet.)
En deuxième étape nous devions rejoindre Blida, mais la distance trop importante nous obligea à passer par Palestro et les Gorges qui allaient être très meurtrières quelques années plus tard. La petite ville que nous n’avons pas eu le temps de visiter me laisse un souvenir : un rond-point arboré au milieu d’une ville encaissée dans les montagnes. Mais avant de traverser Palestro, une étape fut nécessaire dans les environs des Issers où nous avons passé la nuit.
Nous sommes devant le panneau de Tigzirt.
Comme nous logeons à Dellys nous voyageons léger.
Le départ du campement aux Issers.
Deux vues prises dans la vallée qui conduit à Palestro (les fameuses gorges ?)
Puis Palestro avant de tourner vers l’ouest et de franchir un col assez délicat avec nos vélos de route et nos paquetages, malgré les indications de la carte, il ne me semble pas que la route ait été particulièrement mauvaise. Etrangement j’eus le plaisir d’arriver le premier au sommet, mais je pense que mes copains m’ont laissé gagner… La nuit se passa à Fondouk, une jolie ville où nous avons été très bien reçus et ou nous avons pu coucher dans une halle aérée et où une bonbonne de vin rosé offerte par les vignerons fut assez rapidement vidée, ce qui fait que certains eurent du mal à repartir le lendemain.
La deuxième étape se terminait à Blida, à une cinquantaine de kilomètres. Là aussi nous fument logés dans une halle où nous devions rester quelques jours pour permettre une visite dans le sud jusqu'aux portes du désert. Bien évidemment, vu les distances, le vélo n’était pas le moyen de transport adéquat, donc nous avons été transportés par un car pas de la première jeunesse.
Première étape Djelfa à plus de 200 km, où je me souviens d’un repas en extérieur perturbé par un petit vent de sable. Le soir couché à Laghouat (prononcez Larouat). Nous couchions dans les sacs de couchage en extérieur. Nous étions dans le car en sueur alors que la température de ce mois d’août était sous abri de 50°C. A chaque point d’eau le bus s’arrêtait pour remplissage des gourdes.
Après, direction Bou-Saada (en arabe : la cité du Bonheur) où nous avons assisté à une séance de danseuses Ouled-Nails entièrement nues, étrange pour des gamins de 16 à 18 ans, mais ce sont les organisateurs qui s’étaient fait piéger…
Puis nous sommes revenus à Blida récupérer nos montures avant de repartir. Les vélos furent révisés, puis en route vers l’ouest en direction de Cherchell, (Caesarea pour les Romains) où nous avons campé dans un terrain qui jouxtait un cimetière, nous nous sommes baignés, et avons visité les ruines ainsi que le beau musée de la ville, puis les ruines de Tipasa.
Deux vues de la place du musée de Cherchell
Des effets de filtre sur la mer qui donnent l’impression d’un coucher de soleil.
Notre campement de Cherchell.
Deux autres vues de la « plage » de Cherchell.
Puis, enfin, route en direction d’Alger. Nous passons devant un site ancien dit « Le tombeau de la Chrétienne », un énorme monument qui serait (c’est ce qui était dit à l’époque) d’une construction préromaine. Puis route vers le bateau en suivant la côte en direction Alger et enfin reprise du Kairouan pour notre retour en France.
Détail du tombeau pris sur Wikipédia. Il semble que la photo en couleurs du site soit récente et qu’elle témoigne de certaine réparations voir : http://lunis1.free.fr/spip.php?article62 Toutefois, attention à la perspective et à la focale des objectifs car le monument est très important, la focale de mon appareil était (pour 24x36) de 40 mm.
Quelques vues du « Tombeau de la Chrétienne ». Sur la photo de droite vous voyez quelques-uns des « aventuriers » cela permet de donner l’échelle du lieu. Le mausolée royal de Maurétanie, surnommé à tort Tombeau de la Chrétienne, en arabe Kbour-er-Roumia, (Tombeau de la Romaine) est un monument de l'époque numide.
Carte postale que j'ai envoyé à mes parents le 11 aout 1954.
Pendant presque tout le voyage les seules personnes rencontrées étaient des européens mais en fin de parcours nous avons pu, au cours de notre halte à Cherchell, rencontrer quelques « indigènes » qui acceptèrent de nous parler de leur vie. Ces rencontres laissaient bien passer leur ras le bol envers les Français d’Algérie. Bien sûr ce n’était pas contre tous, mais dû au fait que les salaires des indigènes étaient très inférieurs, et de beaucoup, à celui des Français, car alors les musulmans n’étaient pas considérés comme français.
Ce voyage fut pour nous une magnifique aventure, et pour moi un bon sujet de réflexion. Je ne savais pas que, quatre ans plus tard, je reviendrais avec un fusil pour lutter contre la « rébellion ».
Le « Kairouan » dans le port de Marseille.
Carte postale achetée à bord, mais le bateau a subit des modifications.
Le « Kairouan » quitte le port d’Alger le 13 aôut 1954. Je reviendrai…
quatre ans plus tard sur le même bateau mais en uniforme.
© Jacques Moulin 1954).
Nb : pour ce voyage je possédais un petit appareil photo très léger mais peu de pellicules, les photos qui illustrent ce récit sortent de mon « Elgy-Lumière ». J’ai scanné les négatifs en ma possession mais malheureusement tous les éléments de ce voyage ne sont pas illustrés car je ne les ai pas photographiés... Ce récit a été écrit plus de cinquante ans plus tard donc sujet à caution et pardonnez-moi si vous avez participé à ce voyage, nous avons tous des souvenirs différents.
Photos couleurs
J'ai retrouvé quelques photos couleurs prises à l'époque, toujours avec mon « "Elgy-Lumière ». Elles sont réalisées avec des pellicules du système inventé en 1900 par les frères Lumière, le procédé "Autochrome" seule pellicule couleur disponible pour les « Elgy-Lumière », elles ont été prises durant l'été 1954, avec un appareil alliant un objectif peu performant à un système de pellicules largement obsolète, mais elles ont la chance d'exister.
Toutes Photos (C) Jacques Moulin 1954.
Le Ruisseau des Singes.
Bou Saada 1954.
Bou-Saada1954.
Montagne de l'Atlas.
Une vues d'une Palmeraie.