L’école de chasse de Meknès 1943/1961.
© Jacques Moulin 2012.
Très bonne photo d'un Spitfire IX S/n PV 343 à moteur Merlin 66 affecté à la BA 708 le 5/10/49. Remarquer le Caudron Simoun au second plan (Photo Guinet).
L’Algérie et le Maroc ayant été libérés en novembre 1942, les besoins de l’Armée de l’Air reformée devenaient très importants, aussi bien en pilotes qu’en matériel et, si les Alliés pouvaient nous fournir du matériel, les pilotes manquaient. Il devenait donc urgent de former le plus possible de pilotes.
Un certain nombre de pilotes, notamment les élèves des écoles françaises (Istres, Royan, etc.) avaient été repliés en AFN en juin 1940, souvent à moitié formés (la formation était arrêtée, toutes les écoles avaient été fermées en métropole en 1940, depuis une année l’Ecole de l’Air de Salon de Provence était repartie, mais sans grand moyens). En AFN il restait donc depuis 1940 des pilotes qualifiés mais n’ayant que très peu volé, d’autres presque entièrement formés mais qui n’avaient pas pu approcher d’un avion depuis deux bonnes années. Pourtant, sans que nous sachions pourquoi ni comment, un certain nombre de ces élèves pilotes étaient restés mobilisés en AFN et ils devaient être remis à niveau. Il devenait évidemment urgent de les former ou de les transformer sur avion d’arme avant de leur confier un avion moderne pour aller au combat.
Un Hurricane, version armée avec 4 canons, à l'atterrissage sur la base de Meknès (Archives Moulin DR).
Pour cela une section « Chasse » fut créée à Marrakech en avril 1943, section chargée de la remise à niveau des pilotes déjà formés. Une première escadrille fut créée, elle était équipée de Curtiss H.75 A (P-36 sur les carnets de vol) rescapés des unités qui s’étaient repliées en AFN pour la « défense de l’Empire ». Mais la cannibalisation est très importante, les pièces détachées sont vite épuisées, les avions sont bien fatigués mais aussi heureusement particulièrement solides.
Quatre Hurricane de version de marquage et d'armement différent à Meknès en 48/49. Le militaire est M. Guinet , vous pouvez remarquer au fond les Spitfire (Photo archives Guinet).
En juillet 1943, une seconde escadrille est constituée toujours équipée de H.75. A la fin de juillet la « section chasse » devient « division chasse » et les programmes de formation sont établis mais restent succincts. Il faut dire que les niveaux des élèves étaient très disparates.
Mais comme l’école cohabite sur le terrain de Marrakech avec des unités US, cela oblige à l’utilisation du terrain de Sidi Zouin assez proche mais particulièrement sommaire.
Les appareils sont récupérés de partout et les AIA travaillent sans relâche. Rapidement, les H.75 A sont remplacés à la 2e escadrille par des Dewoitine D.520 remis en état, les appareils récupérés sont utilisés par la première escadrille. En novembre 1943 la réception d’une douzaine de A-24 « Dauntless » permet la constitution d’une 3e escadrille permettant la formation sur avion à double commande des pilotes ne pouvant pas être lâchés sur des monoplaces. En décembre 1943, le terrain de Marrakech étant très occupé par les avions alliés, il est décidé de transférer l’unité à Meknès, au nord près de Fès. Cela fut effectif en janvier 1944. Il est à noter que des terrains annexes étaient alors utilisés, notamment Kasba-Tadla, situé à environ 300 km au sud de Meknès.
Dès 1943 un certain nombre de pilotes qui ne pouvaient pas être formés assez rapidement en AFN furent transférés dans des écoles aux USA avant de revenir se transformer à la chasse à Meknès.
Un Curtiss P-40 à l'atterrissage à Meknès fin des années 40 (Photo Bianccotti)
Un Hurricane au parking (Archives Jacques Moulin DR)
Les quelques unités opérationnelles stationnées en AFN et qui restaient encore équipées de D.520 reçurent de nouveaux types d’appareils et tous les Dewoitine seront alors affectés à l’école de Meknès.
Lors de son transfert en janvier 1944 la « division chasse » possède 108 appareils de divers types outre ses appareils H.75, D.520 et A-24. Elle regroupe de nombreux appareils qui étaient présents en AFN, NAA-57, MS 230 et 315, Stinson, Caudron Simoun, quelques Stampe, etc.
Avec ce déménagement l’école a changé de nom et est devenue « Centre d’Instruction à la Chasse » (CIC)
En février 1944 une 4e escadrille est créée, escadrille qui servait aussi bien aux servitudes qu’à l’enseignement au PSV avec notamment des UC 78.
A partir de mai 1944 les récupérations d’appareils ne se font plus seulement avec des appareils survivants de l’aviation de 1940 mais aussi avec des avions alliés plus ou moins réformés. C’est alors qu’arrivent des Hawker Hurricane, des Curtiss P-40, des Bell P-39 puis quelques Spitfire et Republic P-47. Evidemment ce ne sont pas des appareils neufs mais des avions de seconde main, souvent inaptes au combat.
Vultee BT-13 à Meknès. (DR).
Les appareils sont usagés mais il est quand même possible de récupérer des pièces de rechange. C’est grâce à cela qu’une unité chargée de l’entraînement à la chasse, le Centre de Perfectionnement à la Chasse (CPC), est créée à Meknès auprès du CIC.
En mars 1945 se crée une 5eescadrille qui récupère les D.520 qui voleront jusqu’en 1946, l’escadrille n° 2 est équipée de Hurricane et la n°4 de Curtiss P-40. L’escadrille n° 1 remplace peu à peu ses Curtiss P-36 (H-75A) par des Curtiss P-40. Après leur retrait les H.75A sont regroupés à Cazaux en juin 1946. De son côté la 3e escadrille est équipée de A-24 et de BT-13 .
En 1952 les MS 475 Vanneau sont bien pésent à Meknès ici le 455 avec l'insigne de Meknès.(Collection Ressouche)
En janvier 1947, le Centre d’Instruction à la Chasse (CIC), fusionne avec le Centre de Perfection à la Chasse (CPC) et prend l'appellation toujours en vigueur d'« Ecole de Chasse » et reçoit comme nom de baptême "Christian Martell". Commandée par le lieutenant-colonel Ezanno, elle est alors équipée de Republic P-47 D « Thunderbolt », de Supermarine « Spitfire » Mark V et IX, de Hawker « Hurricane » Mark II S, de Bell P-39 « Airacobra », de Curtiss P- 40 « Kittyhawk », de Douglas A-24 « Dauntless » et de Vultee BT 13.
Trois Douglas A-24 au parking de Meknès. Les appareils portent l'insigne (Photo Guinnet)
Puis plus tard quand l’industrie aéronautique française eut repris son travail de fabrication d’appareils ce fut l’arrivée des avions légers et des avions-écoles fabriqués en France notamment des Morane-Saulnier, des SIPA, des SNCAN. Parmi ces appareils certains construits par les entreprises françaises étaient d’origine allemande et cette dotation hétéroclite fut très largement complétée par des North American AT-6 D, SNJ et Harvard.
Il faut attendre 1951 pour voir arriver à l'école de chasse les premiers réacteurs, les TF 80 C « Shooting Star ». Leurs dérivés, les T-33A (T Bird) joueront un rôle important au sein de cette unité. En juillet 1953, les Vampire arrivent à leur tour.
Le 1.000e brevet est décerné le 31 octobre 1953.
C’est à la fin de 1951 que les premiers T-33A arrivent à l’Ecole de Chasse. La dernière promotion formée sur Spitfire sera brevetée en 1952 et, dès 1953, toute l’instruction finale se fera sur avions à réaction.
Equipage devant un T.6, probablement à Meknès. (DR)
A la fin de cette même année 1953, les cinq escadrons de l'école sont respectivement baptisés "Jean Maridor" (1er) "Henry Jeandet" (2e), "Henri Arnaud" (3e), "Marin la Meslée" (4e) et "Marcel Lefèvre" (5e).
Les MD 450 Ouragan s'intègrent à la flotte en début 1957.
Peu à peu l’école devint un excellent pôle de formation, la météo locale étant un atout permettant le vol sans trop de limitations météorologiques.
Avec l’indépendance du Maroc, il fallut songer à transférer l’école en métropole. Le 31 mai 1961, l'école de chasse quitte Meknès et vient s'implanter à Tours sur la base aérienne BA 109 avec ses T-33A et ses Ouragan. En août 1961, les Mystère IV A nouvellement affectés font de la "60 C" la première promotion "Mach 1".
L’école de chasse de Tours est toujours active avec ses Alphajet mais cela est une autre histoire.
© Jacques Moulin 2012.
Pour ce texte nous avons utilisé (entre autres) un ouvrage édité en 1986 par la Base de Tours : « GE-314 Ecole de Chasse Christian Martell » ouvrage collectif sous la direction d’Eric Moreau, édité et imprimé par la base.
Nous remercions MM. Guinet, Guyot et Biancotti pour leurs photos rares et inédites et leurs renseignements et Monsieur Guy Brenier pour son travail de correction.
Appareils successivement utilisés à l'école de chasse de Meknès:
Liste non exhaustive a compléter.
Morane Saulnier 315 1943 à
Morane Saulnier 230 1943 à
Stampe SV-4 1943 à
Cessna UC-78 1944 à
NAA 52 1943 à
Caudron Simoun 1943 à
Caudron Goéland 1943 à
Curtiss H 75 A (P-36) d'avril 1943 à juin 1946
Dewoitine 520 de l'été 1943 à janvier 1946
Douglas A 24 Dauntless de novembre 1943 à 1952
Hurricane Mark II S de mai 1944 à août 1948
P-40 Kittyhawk de mai 1944 à fin 1948
P-39 Airacobra de juin 1944 à janvier 1951
P-47 D Thunderbolt de juin l944 à novembre 1949
Spitfire Mark V de juin 1944 à 1949
Vultee BT 13 de mars 1945 à 1951
Miles M 25 Martinet de 1946 à 1948
Miles Master II de 1946 à 1948
Spitfire Mark IX de 1947 à 1952
Tiger Moth courant 1947
MS 472 Vanneau début 1949 puis d'octobre 1950 à 1954
T-6 D/T-6G de fin l950 à juillet 1954
MS 475 Vanneau 5 d'août 1951 à juillet 1954
T-33 A "T Bird" (à l'origine TF 80C Shooting Star) du 4 octobre 1951 au 12 novembre 1981
DH 100 Vampire de juillet 1953 à 1959
MD 450 Ouragan de mars 1957 à février 1958 puis de mars 1959 à 1962
CM 170 Fouga Magister de février 1957 à 1961
MD 454 Mystère IV A d'août 1961 au 5 septembre 1973
Profile de Léziaud 1986.
Avion en dotation à Meknès
Appareil 6/46 4/48 5/49 10/50 8/52 6/54 1/55 10/56 1/57 6/58 1/59 1960
A.24 26 30 27 20 11 Oui 0
BT.13 6 10 8 10
Hurricane 12 0 0
P-40 20 0
P-39 16 15 15 25
P-47-D 11 12 13
Spit. Mk V 24 50 1
Spit. Mk IX 26 19 25 14 22
Miles M.25 6 6 0
Simoun 0 2 0
Nord 1101 1 1 1
Goeland 0 2 1
T-33 21 oui 43 25 40 40 40 35
T-6 divers 19 oui
MS 475 29 oui
MS 472 7 9 21
JU 52 1 1 2 1 1
DH Vampire oui 106 100 110 70 70
MS 500 oui 1 1 1 1 1 1
Ouragan 30 63
Magister 40 30 28
Un A.24 a l'atterrissage à Meknès ( Photo Biancotti).
Un NAA 57 à Meknès.
Un P.39 à Meknès (DR)
Un A.24 à l'atterrissage remarquez les frein de piqué en partie sortis. (Photo Biancotti)
Le dernier AAC-1 en compte à l'école, le n° 256, vu ici à Rabat au Maroc le 02/09/1959. (Collection Marcel Fluet Lecerf).