OPERATIONS ‘’LARGAGE COURRIER’’ |
©Jean-Pierre Meyer Mars 2011
En Algérie, les missions du L-18C au sein de l’ALAT étaient variables.
Certes, si la mission la plus connue était bien sûr la liaison, il ne faut pas ignorer les autres comme les réglages de tir des batteries de 105 mm, les relais radio en altitude en zone montagneuse et, certainement l’une des plus ignorées, qui concernait le largage du courrier sur les postes isolés.
Le L-18 C BOB se prépare au largage.
Le L-18C était dans tous les PMAH la bête de somme. Increvable et pardonnant beaucoup, son pilotage demandait néanmoins une certaine maîtrise en condition de vol en montagne car sa puissance moteur contre les vents forts était bien souvent limite. De même, la mission de largage courrier nécessitait une bonne connaissance aérologique des lieux sachant que la plupart des postes isolés étaient construits sur des pitons et que, s’il y avait du vent, il y avait forcément des courants ascendants et surtout les rabattants toujours dangereux.
Frais émoulu de la dernière promo CPAP (pilote appelé) à Essey-les-Nancy, j’ai été affecté au PMAH de la 19ème DI à Sétif Aïn Arnat.
A peine arrivé, j’ai passé mon vol de contrôle avec mon chef de peloton, le Cpt de Simard de Pitray, et c’est ainsi que j’ai découvert que la Petite Kabylie était, en fait, la plus montagneuse avec des sommets avoisinant les 2.000 mètres et des vallées non moins profondes. En faisant le « tour du propriétaire » on m’indiqua quelques points de repère et déjà on me signala le nom de quelques postes isolés qu’il faudra « ravitailler ». Bien souvent des noms à coucher dehors ou alors des numéros de cote qui correspondaient à l’altitude du piton. Cela fut un excellent exercice de lecture de carte car, pour certains postes, il fallait les trouver.
Un L-18 passe pour repérer la zone de largage (Photo Varrault).
Dès le lendemain un pilote ‘’rodé’’ sortant de Dax m’emmena en place AR avec nombre de colis postaux et m’expliqua les recettes pour une bonne approche, une bonne évaluation des risques et la maîtrise du largage des sacs postaux en cuir ou en toile bordés d’une oriflamme de couleur voyante.
Le problème majeur était que la taille réduite des cours intérieures de ces postes ne permettait pas d’erreurs sinon les colis tombaient dans les barricades de barbelés et, pire encore, certains postes étaient protégés par un dispositif de mines AP ce qui rendait la récupération très dangereuse.
Avant notre arrivée annoncée par radio, les soldats en poste allumaient un fumigène qui nous renseignait sur la direction et l’intensité du vent. Après plusieurs passages on s’assurait que l’axe de largage était sécurisé, surtout lors du dégagement car il est arrivé que des rebelles bien camouflés envoient une salve de tir d’armes légères avant de s’enfuir.
Toutes les précautions prises, au top du pilote on balançait par la portière ou une fenêtre de l’avion les colis, rouleaux de cartes et autres documents confidentiels indiquant entre autres les futurs codes couleurs pour les dossards et les fréquences radio à utiliser pour les prochaines opérations, etc.
Et c’est ainsi, qu’à mon tour, pendant près de trois mois, j’ai effectué nombre de ces largages. Il y eut aussi quelques échecs principalement dus aux conditions météorologiques défavorables, et c’était souvent triste d’entendre nos petits gars pleurer à la radio bien qu’on leur promettait de repasser le lendemain.
Des militaire au sol sont heureux de l'arrivé du courrier (Photo Hoyau)
Pour d’autres j’ai le souvenir de récupération dans les fils de fers barbelés et pire encore dans les zones minées où la récupération se faisait avec de longues perches improvisées. Il y a eu aussi ce soldat qui faisait sa lessive et qui n’avait pas vu arriver le rouleau de cartes avec ses embouts métalliques ce qui lui a occasionné une fracture du crâne. Le radio nous confirma avoir bien reçu le courrier mais nous demanda d’envoyer d’urgence un hélico pour une évacuation sanitaire.
C’était il y a plus de 50 ans, mais ces moments épiques restent toujours gravés dans ma mémoire et, quand plus tard je suis passé sur L-19E avec des missions très différentes, j’ai un peu regretté ce côté humain qui nous liait si étroitement avec les troupes au sol.
© Jean-Pierre Meyer le 20 mars 2011.